Sociologie de la chanson et de
la voix
Dernier passage de Joëlle
Deniot à France Culture, lundi
22 juillet 21 heures
dans l'émission La vie en
Piaf de Maylis Besserie
"une démonstration exemplaire de ce que peut-être
une ethnologie de la vie privée en milieu
ouvrier"
Martyne Perrot à propos du Bel
ordinaire de Joëlle Deniot
__________________
A propos de ...
Joëlle DENIOT
Ethnologie du décor en milieu ouvrier
Le Bel ordinaire
L'Harmattan 1996
Compte rendu de l’ouvrage
par
Martyne Perrot
Revue
Ethnologie Française en 1996.
Joëlle Deniot :
Ethnologie du décor en milieu ouvrier, le bel
ordinaire, L’Harmattan, 1995
Par Martyne Perrot, chargée de recherche
en sociologie au CETSAH, EHESS, Paris
--------------------
Pour
qui s’intéresse au décor domestique, le livre de
Joëlle Deniot, deviendra, je le crois,
rapidement référentiel.
Le décor ouvrier n’a pas encore beaucoup
sollicité l’attention des chercheurs, excepté le
travail remarquable et devenu emblématique de
Richard Hoggart.
Révélé encore plus tardivement que les
intérieurs paysans, sur lesquels en revanche les
ethnologues se sont davantage attardés, le décor
ouvrier fut d’abord, comme le rappelle l’auteur,
le fait de photographes ou de caricaturistes qui
n’en exhibaient que le dénuement, la pauvreté.
Le décor ouvrier devint alors un objet exotique
en marge de toute recherche esthétique à
laquelle seules l’aristocratie et la
bourgeoisie semblaient pouvoir se consacrer.
Avec la conquête du confort s’élabore cependant
une culture de l’intérieur - pour
reprendre l’expression de Michel Verret qui
préface l’ouvrage – que le regard incisif et
sensible de l’ethnologue nous restitue ici comme
un bel ordinaire.
Échappant à la logique du goût et de la
distinction sociale, c’est du côté de la mémoire
familiale, de ses traces, des solidarités entre
parents et voisins, mais aussi du corps et des
rites que Joëlle Deniot entreprend de débusquer
ce qui reste une expérience ténue mais combien
complexe, à savoir l’appropriation du banal,
l’ordinaire de l’habiter.
L’enquête s’est déroulée dans les familles
ouvrières du grand Nantes, au total soixante dix
familles dont dix de la propre parenté de
l’ethnologue. C’et à partir de ce premier
cercle qu’a pu être mis en chantier ce sujet
si labile, c’est cette proximité avec les
décorants qui a permis de dépasser
l’inventaire des signes, pour faire apparaître
des paroles, des prises de vues dégagées de la
rigidité de l’intervention méthodique. La
photographie qui fut aussi un des outils
privilégié de l’enquêtrice fut de ce point de
vue libre de fixer ces ambiances décoratives,
ces motifs par lesquels le décor se donne,
mettant en relation un milieu ambiant avec des
activités de toute la famille, véritable
écosystème nous dit Joëlle Deniot qui
n’entend pas le réduire à ses déterminants
habituellement convoqués que sont le rang social
ou le capital culturel hérité etc…
Car ce que fixe un style décoratif, nous
n’avons jamais à faire à un seul ordre et
les déterminations ne sont pas a priori
hiérarchisables. On ne peut alors raisonner
qu’en sous-ensembles, ainsi bricolages,
revêtements textiles, éléments iconographiques
ne suivent pas des logiques communes. C’est
alors par séquences, par circonstances que peut
se préciser la façon dont s’emboîte des
déterminations prioritaires car ici tout
s’enchevêtre ; emblèmes d’une culture de classe,
circulation des modèles décoratifs dans des
couches sociales voisines …
Cette posture méthodologique explique le choix
des chapitres du textile où toute une culture du
linge se révèle, comme protection des choses
matérielles, des biens difficilement acquis avec
parfois, très finement identifiés, des héritages
ruraux qui survivent en plein cœur des HLM aux
décors photographiques, qui nous en apprend
beaucoup sur la mise en image de soi pour soi et
pour les autres, sur la biographie et la
répartition sexuée de l’espace.
Évoquons aussi les pages consacrées au décor
végétal, ce chant du monde à la mesure des
personnes et des lieux, au bricolage qui
éclaire un type de culture technique transposée
de l’atelier à l’espace domestique enfin aux
‘blasons’, ces derniers objets porteurs de
maximes ou ces calendriers mis aux murs qui
permettent d’interroger la place de la parole en
un milieu donné.
Le décor intérieur se tisse ainsi dans toute son
économie symbolique et pratique, si souterraine
soit-elle pour la première, si
contraignante pour la seconde.
Á
cette condition seulement le décor se révèle
comme un véritable paysage intérieur.
Il faut aussi parler de l’écriture, de sa
puissance métaphorique, de ses trouvailles, de
son acuité, cette écriture qui fait corps avec
le sujet, qui lui donne sa chair. Joëlle Deniot
s’en explique, elle attend beaucoup, de ce qui
n’est pas pour elle simple traduction d’une idée
déjà là, mais traduction de l’émotion, des
présences, une façon d’être dans le sensible sur
les traces de ce qu’avait réussi avec talent
James Agee en compagnie du photographe Walter
Evans
dans les années trente lorsqu’ils observaient la
vie des métayers blancs du sud des Etats-Unis.
Cette tentative, y compris celle de nous donner
des photographies qui ne soient pas
illustratives mais des prises de vues proprement
dites qui rendent au plus juste la prise et
l’emprise si modestes, si mineures soient- elles
des habitants sur leur intérieur, est une
démonstration exemplaire de ce que peut-être une
ethnologie de la vie privée en milieu ouvrier.
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Dernier écho....
_________________________________
Dominique TORRENTE
mercredi 27 février 2013 14:35
À joëlle Deniot
Objet : exposition
Joëlle Deniot
Bonjour,
Je vous remercie vivement d'avoir accepté que
nous utilisions quelques citations pour
l'exposition que nous présentons, Catherine
Herbetz et moi-même à la médiathèque. J'ai
beaucoup apprécié votre ouvrage, toute cette
recherche autour de la question du décor, et la
qualité de votre écriture, incisive, enlevée et
parfois si jubilatoire. Je suis moi même issue
d'un milieu ouvrier, et j'y retrouve une analyse
tout à fait pertinente des espaces à vivre.
Je vous prie de trouver ci-joint l'invitation
concernant l'exposition
"la mémoire vive,
le bel ordinaire" qui constitue
l'ouverture du projet d'une résidence d'artiste
à la médiathèque dans le cadre de Culture
Contemporaine à la Ricamarie.
d'autres actions suivront : Rencontres avec
les publics, Ateliers de création texte /
textile, visites d'ateliers,
Colloque avec le soutien des amis du musée
d'art moderne de Saint Etienne autour des
questions concernant ces savoir-faire et leur
utilisation ou détournement par certains
artistes contemporains, autres expositions....
Avec mes plus cordiales salutations,
Dominique Torrente
Saint
Etienne/ art contemporain
http://dominiquetorrente.wifeo.com
www.dominique-torrente.com
www.galeriele116art.com
|
Copyright D.Torrente |
Carré de soie,
photographie numérique
contrecollée sur aluminium,
tirage lambda, 50 cm x 50 cm
Collection INSA, LyonTous les
droits de l' auteur des oeuvres
sont réservés. Sauf
autorisation, la reproduction
ainsi que toute utilisation des
oeuvres autre que la
consultation individuelle et
privée est interdite.
Toute demande d' autorisation
pour quelque utilisation que ce
soit doit être adressée soit à
l' artiste ( voir contact ) soit
à
l' ADAGP- 11 rue Berryer 75006
Paris Tel. + 330143 59 09 79 ou
Mail. adagp@fr
Actualités et complément d'
informations:
dominiquetorrente.wifeo.com/
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Artiste multimédia
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Artiste multimédia, Dominique
Torrente ne cesse d’interroger
le langage. Elle met en place
des dispositifs plastiques qui
tentent de donner une dimension
matérielle et tangible aux mots,
au texte. L’artiste travaille le
signifiant, le matériau verbal,
la forme, la typographie. Mais
elle explore également
l’analogie, les liens, les
croisements, ainsi que les
« errements » entre cette forme
plastique et le signe
linguistique, le signifié. Le
mot ouvre un large spectre
sémantique, trouve sa place
entre lisible et visible, entre
lecture et écriture, entre mode
perceptif et mode conceptuel.
L’artiste a suivi une formation
à l’école des Beaux-arts de
Saint Etienne, et parallèlement
à la faculté d’arts plastiques
de Paris Sorbonne. Dominique
Torrente revendique ses
filiations avec l’art
conceptuel, Fluxus, Art and
Language, Support Surface, elle
suit régulièrement les
nombreuses recherches actuelles
comme l’introduction
proliférante du verbe dans les
arts visuels. Elle s’intéresse
tout particulièrement à la
psychanalyse, à la littérature,
à la danse et s’appuie sur
l’actualité pour ses recherches
et installations. Elle aime les
matériaux qui mettent le corps à
l’œuvre : la terre, le tissage,
les savoir-faire traditionnels,
mais n’hésite pas à utiliser la
photographie, la vidéographie,
la fabrication mécanique, le
numérique quand son propos
requiert ce type de technologie.
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A propos de
"Le
décor ouvrier Le
bel ordinaire" de
Joëlle DENIOT,
L'Harmattan 1996
: Le
personnalisme sans la personne
Par
Maxime LEROLLE (via
https://organiste.blogspot.fr/2017/05/le-personnalisme-sans-la-personne.html
)
image:http://media.paperblog.fr/i/839/8396719/personnalisme-sans-L-T9z0Fb.jpeg
Par
bien des aspects, Emmanuel Mounier, le fondateur
de la revue
Esprit
et l'un des grands penseurs d'une ligne éthique
– le personnalisme – pour sortir de la crise des
années 30, est proche de Camus, de sa pensée, de
son style. Cette rhétorique de l'héroïsme
séduisant, multipliant les images, les paradoxes
à dépasser et la force aride des maximes – « Le
courage est d'accepter cette condition incommode
et de ne pas la renoncer pour les molles
prairies de l'éclectisme, de l'idéalisme et de
l'opportunisme »[1]par
exemple –, a cependant une faille béante au
centre de ce discours de la personne : aucune
personne concrète n'y est représentée.
De sorte que tout ce beau discours, énergique,
stimulant, galvanisant, n'est qu'un vent de mots
jeté dans le ciel des idées, alors qu'il
revendique l'imbrication essentielle de la chair
et de l'esprit.
Comment peut-on revendiquer l'émancipation
individuelle et collective dès lors que la
personne, non comme idée, mais comme réalité en
chair et en os, n'est réduite qu'à des mots
creux ? Quelle peut être la valeur d'une
libération uniquement discursive ? Bien souvent
l'amour du bon mot se substitue à celui d'une
personne réelle et ne conduit qu'à des formules
générales, vaines, et parfois hautement
discutables : « En
sacrifiant aux sollicitations du réel les voies
et les harmonies imaginées par nous, nous
gagnons une sorte de virilité, celle que
développent le nettoyage des naïvetés et des
illusions, l'effort continu de fidélité sur des
chemins déconcertants. »
L'amour sans bornes de l'héroïsme s'emplafonne
dans l'impasse du virilisme. Pas un hasard si
aucune femme n'est intégrée dans cette
rhétorique du héros.
Mais à trop me calquer sur le texte, je perds
moi-même la notion du réel et des personnes
concrètes. Plutôt que de continuer à parler
d'elles en des termes imprécis, je préfère
laisser la parole à des
personnalismes
appliqués.
Je parlais de la proximité qui existait entre
Camus et Mounier. La grande différence qui
existe entre eux, c'est probablement le fait que
Camus a été écrivain de fiction ; cela ne change
rien au style très littéraire de Mounier, mais
prouve qu'il lui manquait quelque chose que
Camus étudiait sous tous ses angles : des vies
humaines. Que ce soient l'anesthésie
sentimentale de Meursault[2],
les dilemmes éthiques et douloureux de Kaliayev
et Dora[3], ou l'héroïsme ordinaire de Rieux,
Tarrou, Grand et Panelou[4], c'est toujours la
personne, dans ses multiples possibilités
morales, qui est au cœur de son œuvre. Les
écrits théoriques ne sont pas en reste :
Le Mythe de
Sisyphe fait une
histoire concrète de l'évolution de l'idée
absurde dans l'Occident (exercice difficile
auquel se livre de temps à autre Mounier et dans
lequel il réussit) et
L'homme révolté
celle des vertus de la révolte face aux meurtres
commis par le nihilisme révolutionnaire. La
littérature chez Camus n'a de sens que si elle
célèbre ou critique des personnes qui acquièrent
chair et os au fil de la plume ; les mots ne
valent jamais en eux-mêmes, mais dans les
réalités sensibles qu'ils façonnent. Camus est
un penseur de l'esthéthique.
Plus encore que Camus, il y a Kundera, qui fonde
le principe de ses romans dans l'étude
psychologique et existentielle des personnages
qu'il invente, et qui semblent acquérir une vie
autonome en même temps que le narrateur, homme
comme les autres, s'écarte d'eux pour mieux les
découvrir. Tout le projet esth-éthique de
Kundera se résume à celui des
Gründen[5],
ces métaphores qui disent la manière dont chacun
de nous nous ancrons dans la terre, c'est-à-dire
la manière dont nous percevons l'existence. À
chaque individu, un ensemble de valeurs, de
métaphores, de sensations, que chaque roman se
doit d'analyser. Le monde romanesque de Kundera
est, à l'image du nôtre, un ensemble d'individus
dont l'intimité et les ressorts psychologiques
sont la base.
Sortons quelque peu de la littérature et allons
voir ce qui se fait dans une science, qui peut
en elle-même devenir un art : la sociologie.
C'est ainsi que
j'ai lu avec grand plaisir l'ouvrage de Joëlle
Deniot,
Le Bel ordinaire,
consacré à l'étude personnalisée de logements
ouvriers, pris dans leurs singularités
respectives et les traits caractéristiques de ce
type d'habitat. Loin de Bourdieu et de ses
propos souvent trop distants, trop abstraits,
trop hautains, Joëlle Deniot articule son
discours sur l'observation précise des décors de
ces petites demeures et les récits qu'en font
leurs habitants, et restitue pleinement par ce
biais toute la valeur humaine à des personnes,
trop longtemps envisagées comme masses à
libérer, ancrées comme toutes les autres dans un
monde qu'elles ont façonné et qui les ont
façonnées. Pour être au plus près de la morale
des gens qu'elle accompagne, Deniot pense une
morale du style universitaire, épuré ici de ses
références abondantes et abusives, passant tour
à tour de la description poétique à la parole
humaniste : le discours théorique qu'elle tient
naît comme une sécrétion florale à la surface
des êtres et des objets qu'elle décrit. C'est à
la suite de ce court mais bel ouvrage que j'ai
d'ailleurs écrit un mini-mémoire consacré à
l'étude de la créativité décorative au sein des
intérieurs dans une époque où la production
standardisée a remplacé la production manuelle.
Mais pour en revenir au personnalisme
de Mounier, concluons ainsi : tout discours sur
la personne doit être nourri de personnes. C'est
leur sang qui doit couler dans les veines du
texte, non une encre trop belle pour être vraie.
À la suite de Camus, Kundera, Deniot, et bien
d'autres auteurs encore, il nous faut penser un
existentialisme appliqué.
Le
personnalisme sans la personne,
Maxime LEROLLE
[1] Le
personnalisme[2]
L’Étranger[3]
Les Justes[4]
La Peste[5] C'est
dans L'immortalité qu'il
en parle le mieux.
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