Karine BRIAND
Doctorante en sociologie
-
Chargée de cours,
UFR de sociologie- Université de Nantes - LESTAMP
Droits de
reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
Il
y a deux siècles encore, les populations n’étaient pas à
l’abri du manque de nourriture. Une mauvaise récolte, une
guerre… étaient suffisantes pour menacer l’approvisionnement
alimentaire annuel. Mais ils ne sont pourtant pas si loin
ces temps de privation, puisque encore au 20ème
siècle, les guerres ont menacé l’alimentation des
populations, notamment par le biais des rationnements.
Ainsi, au cours de l’histoire, les organismes ont été
habitués, façonnés au manque de nourriture et à la
subsistance. Aujourd’hui, une grande partie des occidentaux
vit dans l’abondance et la prospérité alimentaire.
L’éventail des choix à la disposition du consommateur
s’agrandit toujours et encore. Le laps de temps entre la
subsistance et l’abondance est relativement court et nos
organismes, longtemps exposés à la souffrance alimentaire,
s’adaptent difficilement à une nourriture omniprésente.
Alors que le manque de nourriture a longtemps entraîné la
mort des populations, aujourd’hui la prospérité alimentaire
serait une des principales causes de mortalité dans les
sociétés occidentales. Alors qu’elle s’avérait être la
solution pour lutter contre une société souffrant de
« malnutrition », l’abondance alimentaire est en passe de
devenir un problème de santé publique.
Cette modification subie par notre société est largement
liée à la mondialisation des denrées souvent, sous entendue
d’ailleurs comme une homogénéisation des consommations. Dans
un premier temps, la mondialisation a désigné l’étendue des
échanges dans le monde entier. Mais depuis une vingtaine
d’années, mondialisation rime avec unification culturelle.
La multiplication rapide des denrées « exotiques » sur les
marchés alimentaires pourrait donc laisser entendre que le
processus, somme toute récent, de la mondialisation a eu
raison des régimes alimentaires des nations et à fortiori
des cultures les composant. En effet, les restaurants
chinois, japonais, libanais, turcs, italiens, mexicains ou
même américains « poussent » allègrement dans le tissu
urbain. L’incontournable « Mac Do » trône même dans toutes
les villes du monde, jouant souvent un rôle de repère pour
certains, lorsque, voyageant à l’étranger, ils se trouvent
face à une alimentation inconnue. « Au moins on sait ce
qu’on mange : un hamburger reste un hamburger, où qu’il soit
fabriqué ! », à quelques nuances près.
Les grandes surfaces de l’aliment jouent aussi la carte de
la mondialisation : les nems, comme les tapas, n’ont plus de
secret pour bon nombre de consommateurs. Il en est de même
pour l’indétrônable pizza, dont la consommation est
largement banalisée.
Mais si la mondialisation permet cette diversité
alimentaire, quelques résistances s’organisent et se
solidifient. Ces dernières s’entrevoient à travers le fait
que tous les aliments « exotiques » n’ont pas le même
statut. Travaillant sur la culture alimentaire des milieux
populaires, c’est à partir de notre population d’enquête que
nous avons observé le phénomène de la mondialisation
alimentaire. Notre population se compose de plusieurs
familles populaires d’origine ouvrière ou d’origine rurale.
La diversité alimentaire est entrée dans les foyers que nous
avons observés. Cependant, nous avons pu constater que les
aliments de la mondialisation s’étaient plus ou moins bien
intégrés au sein de l’alimentation de nos enquêtés. Afin de
rétrécir le champ d’enquête[1], nous avons sélectionné deux
aliments, ceux qui nous sont apparus comme les plus
significatifs : la pizza et le hamburger. Ceux-ci ont un
statut très différent au sein de notre population. En effet,
comment expliquer que la pizza soit moins redoutée que le
hamburger ?
Qu’il s’agisse d’un repas pizza ou d’un repas hamburger,
celui-ci se déroulera plus souvent au sein des milieux
populaires. La forme, les manières de consommer, la valeur
lipidique sont des entraves à une consommation plus
élitiste. Le hamburger, d’origine américaine, et la pizza
d’origine napolitaine, sont aujourd’hui connus par une
grande partie des français. Mais, il semblerait que la pizza
soit mieux placée que le hamburger, dans le hit parade des
aliments préférés de notre population.
La pizza,
préparation « médiévale », est très ressemblante au pain. Au
16ème siècle, à Naples, elle se présente sous
deux formes, selon le milieu social auquel on appartient.
Elle peut être sucrée et garnie d’amandes pour les classes
les plus aisées, qui la dégustent à table à la manière d’une
pâtisserie fine. Ou alors, elle peut être salée, enduite
d’huile ou de saindoux pour les classes les plus pauvres qui
la consomment debout, en marchant dans la rue. S’apparentant
plutôt à une friandise servant à couper la faim, elle n’est
pas encore, au 16ème siècle, un aliment à part
entière du repas. Il faut attendre que la tomate, rapportée
d’Amérique au 16ème siècle, s’impose en Europe
pour qu’elle se mêle à la pizza. Mais ce n’est qu’au 19ème
siècle, que cette fusion aura lieu car la tomate, longtemps
considérée comme un poison, ne pouvait pas, par conséquent,
être utilisée en cuisine. L’utilisation de la tomate donnera
naissance à la pizza rouge mettant fin à la pizza blanche.
L’opposition habituelle, dans l’histoire de l’alimentation,
entre le rouge et le blanc, renvoie à la distanciation des
classes les plus riches aux classes les plus pauvres. Mais
ici, c’est le rouge qui s’impose et d’ailleurs, au 19ème
siècle, la pizza est encore un plat du pauvre aidant à
nourrir les familles nombreuses.
C’est à la fin du 19ème siècle que la pizza
s’expatrie. Son voyage coïncide avec les premiers départs
pour l’étranger. En effet, la main d’œuvre napolitaine
embarque pour l’Amérique. Une fois sur le continent du
nouveau monde, les italiens se regroupent pour vivre en
communautés. Les cuisines suivent les mouvements migratoires
par conséquent, les italiens ont emporté avec eux les
recettes de leurs fameuses pizzas. Dans les communautés
italiennes, implantées sur le territoire américain, tout
rappelle le pays. On y trouve un réseau d’entraide, on y
parle la langue du pays, on y mange la réconfortante pizza
du pays etc. Au sein de ces communautés s’organisent alors
de petites structures ambulantes de ventes alimentaires,
notamment de pizzas, pour aider les nouveaux arrivants. Mais
la loi des quotas, limitant le nombre d’entrées des migrants
sur le territoire américain, fait disparaître l’utilité de
ces structures. Ces dernières se transforment et sortent
alors des communautés pour s’offrir aux américains.
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, bien que consommée par
les américains, la pizza reste un produit ethnique conçu de
manière artisanale par des italiens. Après cette guerre, les
soldats américains, en poste en Italie, reviennent au pays
avec dans leurs bagages, le souvenir nostalgique de la pizza
italienne. L’industrie met alors en place une adaptation
américaine de la pizza (invention de la pâte épaisse dit
« pie »). Au fil du temps, la pizza s’est donc adaptée aux
habitudes américaines. L’ail, précieuse dans les premières
pizzas napolitaines, est ainsi supprimé dans les pizzas
conçues aux Etats-Unis car c’est une saveur trop marquée,
moyennement appréciée par les américains. Petit à petit, les
Etats-Unis se procurent cet aliment italien pour en faire un
plat national.
En France, la pizza tarde à arriver. Elle débarque à
Marseille, grâce aux échanges maritimes et à l’arrivée de la
main d’œuvre italienne sur le territoire. Mais le premier
camion ambulant, vendeur de pizza, ne s’ouvrira que dans les
années soixante.
Le hamburger
est un sandwich dont l’origine date de 1904. A cette date,
au Texas, un employé d’une échoppe se serait amusé à
griller, côte à côte, un steak et un petit pain rond, coupé
en deux. Il aurait servi le tout relevé de moutarde, d’un
cornichon et de rondelles d’oignons. Le concept du Mac
Donald’s est généralement attribué aux frères Mac Donald. En
1937, ils ouvrent leur premier restaurant « drive-in
restaurant », profitant de la dépendance croissante des
californiens à l’égard de leur voiture. Mais ils ne vendent
alors que des hot-dogs. Ce n’est qu’en 1948 qu’ils ouvrent
un restaurant consacré à la vente de hamburger. Ils
instaurent alors la rapidité maximale, le self service et le
coût le plus bas possible, en éliminant les couverts et les
assiettes pour les remplacer par des emballages cartonnés.
Aussitôt les faibles prix attirent des familles entières
d’ouvriers, voyant là une sortie familiale financièrement
abordable. Enfin, ils mettent en place le travail à la
chaîne afin de servir les commandes de plus en plus vite.
Symbole de l’impérialisme américain, Mac Donald’s, est
aujourd’hui une gigantesque chaîne de fast-foods qui s’étend
progressivement dans tous les pays du monde, même là où on
l’y attendrait le moins.
Chaînes situées en bordure de route, en milieu urbain, les
fast-foods sont des lieux où l’on peut se faire servir des
hamburgers bien sûr, mais aussi des pizzas ainsi que toutes
sortes de produits ethniques, allant du plat chinois au plat
mexicain. En Europe, le fast-food apparaît à la fin des
années soixante-dix. Mais ce lieu y est alors
systématiquement définit comme un endroit où l’on consomme
des hamburgers avec des frites et du coca-cola. (La première
franchise « Mac Donald’s » fut accordée à la capitale
française, en 1970.)
Le hamburger et la pizza
sont des aliments inhérents à un fast-food. En effet, ils
ont été conçus pour être ingurgités rapidement, sans
couverts, ni contrainte etc. Alliés, aux Etats-unis, ils
sont totalement opposés en France. En effet, alors que la
pizza fait partie de l’univers alimentaire de nombreux
foyers, le hamburger est lui montré du doigt. La tarte
ronde, à base de sauce tomate s’est bien intégrée dans les
familles notamment celles des milieux populaires, qui lui
ont fait une large place dans les menus quotidiens. Achetée
toute prête ou faite soit même, elle a su séduire par son
côté nourrissant, pratique à manger et rapide à préparer.
Certains avantages détenus par la pizza pourraient expliquer
l’attitude positive de notre population d’enquête, vis à vis
de cet aliment.
Tout d’abord, la pizza ne se cuisine pas avec de la viande
de bœuf. Depuis mars 1996, le hamburger subit de plein fouet
le soupçon mortel pesant sur la viande de bœuf, surtout
lorsque celle-ci est industriellement hachée. Pourtant les
firmes américaines tentent de redorer leur blason, à travers
la publicité, en affirmant l’attention portée au choix de la
viande et de sa provenance, afin de rassurer la clientèle.
D’autre part, la pizza peut se consommer de différentes
façons. On peut la déguster au cours d’un repas autour d’une
table, accompagnée d’une petite salade verte ; ou bien la
manger avec les mains, dans son salon, installé au creux
d’un fauteuil ; ou encore dans la rue en guise de petit
encas acheté en boulangerie où l’on se fera même une joie de
vous la réchauffer avant de vous la servir.
De plus, la pizza, n’est pas un produit onéreux. En effet,
les pizzerias ont fait un effort sur leurs prix, dans le but
d’attirer une clientèle plus jeune. Enfin, la pizza a vu ses
commandes décoller avec la mise en place des livraisons à
domicile. Un simple coup de téléphone est alors suffisant
pour commander son déjeuner ou son dîner. Pourtant le
hamburger a lui aussi des avantages non négligeables, selon
certains de nos enquêtés. Tout d’abord, les fast-foods
affichent la carte de la rapidité. En entrant dans un
fast-food, une hôtesse sort un plateau et vous assaillit :
« j’écoute votre commande ! » Au fur et à mesure que vous
lui passer votre commande, elle pianote sur une caisse, vous
annonce le prix tout en vous servant, et en moins d’une
minute votre plateau repas est prêt. Ce concept de rapidité
peut même vous éviter d’entrer à l’intérieur du fast-food.
La mise en place des « drive » permet de passer sa commande,
de régler et de se faire servir sans même avoir à descendre
de sa voiture.
Par ailleurs, dans un fast-food tel que Mac Donald’s, vous
ne trouverez ni assiettes, ni couverts. Les produits sont
servis dans des emballages cartonnés ou plastifiés, sensés
conserver la chaleur. Se sont les mains qui remplacent les
couverts. Pas de chi chi chez Ronald ! Mais cette façon de
consommer est loin de déplaire à tout le monde. L’absence
d’intermédiaire entre la bouche et les mains, entraîne une
régression vers certaines habitudes enfantines provoquant
ainsi un sentiment de bien être et de réconfort. Par
ailleurs, la flexibilité des horaires permet de contenter un
grand nombre de consommateurs. Qu’il soit dix heures ou
vingt trois heures, tout ce qui est présenté au menu, peut
être servi dans les meilleurs délais. Sans compter que
certains fast-foods sont, aujourd’hui, ouverts vingt-quatre
heures sur vingt-quatre !
Enfin, le menu basic, servi dans un fast-food, reste
financièrement abordable pour une grande partie des
adolescents, qui ont fait de ces restaurants un point de
ralliement. Auparavant, cantonnée dans les restaurants et
chez les marchands ambulants, la pizza a multipliée ses
lieux de vente. Elle se vend aujourd’hui dans les grandes
surfaces, les épiceries et même dans les boulangeries. Cette
étendue des points de vente devrait refroidir les français,
craignant les effets de la mondialisation. Il n’en est rien.
La pizza s’est installée dans les assiettes du peuple et
semble très appréciée. Ce n’est absolument pas le cas de son
homologue, le hamburger. Ce dernier est méprisé, voire
ignoré par une franche de notre population d’enquête.
Les attitudes des milieux populaires auprès desquels nous
avons enquêté, vis à vis de ce produit, peuvent être
classées en trois groupes, se dessinant après observation.
Le premier groupe est celui des adeptes. Il s’agit d’un
ensemble constitué d’enfants, d’adolescents et de jeunes
adultes. Malgré leur affirmation d’une nourriture grasse,
peu recommandée par les diététiciens, certains avouent se
rendre dans les fast-foods au moins une fois par semaine,
voire plus. Les jeunes adultes, relativement autonomes,
dénoncent un danger pour la santé, mais pensent qu’une
fréquentation réduite (« une à deux fois par semaine ») ne
peut pas avoir d’incidence sur leur santé, notamment car ils
se disent responsables en commandant de manière non
excessive des menus de petite taille (« menus XL, normal ou
petit »). Par ailleurs, ils apprécient cette nourriture,
qu’ils trouvent « alléchante et goûteuse » et totalement
adaptée aux goûts des français.
Le deuxième groupe, est celui des antiaméricains. Cette
partie de la population, a développé, contre les américains,
une image négative. La mondialisation des produits
américains donne à penser, à une uniformisation des cultures
par la culture américaine. Ce groupe part du principe qu’à
partir du moment où c’est américain, c’est mauvais ! Par
conséquent, sans avoir même jamais goûté de hamburger, la
nationalité américaine de l’aliment le rend forcément
immangeable ! Ce n’est donc pas l’aliment en tant que tel
que rejette cette partie de la population mais bel et bien
le concept de ce sandwich américain.
Le troisième groupe rassemble les parents soucieux de faire
plaisir à leurs enfants. Les fast-foods ont su cibler leur
clientèle de façon à ce que les jeunes enfants soient
capables de « traîner » leurs parents dans ces endroits où
l’on mange rapidement avant d’aller jouer. En effet,
présenté comme un espace ludique et familial, les fast-foods
attirent les enfants avec la création de personnages
emblématiques tels que le clown Ronald, facilement
identifiable pour les plus petits. Le repas n’est plus
synonyme d’alimentation mais d’amusement. Les parents cèdent
alors un déjeuner au « Mac Do » de temps en temps. Dans les
milieux populaires que nous avons observés, c’est une sortie
occasionnelle, durant les vacances scolaires, obtenue par
les enfants sous forme de récompense. L’attitude des
parents, vis-à-vis du sandwich américain, peut alors varier.
Soit ils consomment américain en mangeant des hamburgers
avec des frites (même s’ils trouvent cette nourriture peu
attrayante et sans véritable goût), soit ils jouent la carte
du refus du sandwich rond, gras et américain. Et ceci les
firmes économiques l’ont bien compris en ajoutant sur leurs
cartes des salades et des crudités, sur lesquelles les
parents se ruent.
Alors, comment expliquer cette différence d’attitudes envers
ces deux aliments ?
Même si la pizza a été mondialisée grâce à l’industrie
américaine, c’est un produit d’origine italienne. Le
hamburger est lui d’origine américaine. Ceci constitue la
première différence importante entre ces deux aliments. Face
au géant américain, dont les tentacules s’étendent de plus
en plus par le biais de la mondialisation, un sentiment
s’est développé au sein de notre population d’enquête :
l’antiaméricanisme. Ce mouvement vise alors à faire stopper
les métastases de l’emprise d’un pays « qui se croit tout
permis ». La France est un pays dit de gastronomie et tient
à défendre ses valeurs culinaires. Pour les antiaméricains,
ce patrimoine est menacé par la mondialisation. Cette
dernière englobe alors la diffusion de la pizza, au même
titre que celle du hamburger. Cependant, au sein de
l’orchestre de la mondialisation, il semble bien que le chef
des chefs soit américain. Ceci explique le rejet, non
seulement des aliments américains, mais aussi d’une nation
toute entière.
Cependant, d’autres aliments, y compris d’origine
américaine, se sont propagés sur notre territoire. Leur
entrée dans la cuisine française, n’a pas fait disparaître
pour autant l’alimentation traditionnelle. La tomate par
exemple a longtemps été dépréciée avant d’être consommée. Il
en est de même pour la pomme de terre dévolue aux cochons
avant de devenir un aliment à part entière. Loin de créer
une homogénéisation alimentaire, les nombreuses
pérégrinations des produits créent, dans un premier temps,
des différences exacerbées. D’autre part, la machine de la
mondialisation s’adapte aux espaces. Qu’il s’agisse de la
pizza ou du hamburger ils sont toujours « cuisinés » en
fonction des goûts nationaux. Ainsi, au Japon, Mac Donald’s
a dû inventer un sandwich à base de crevettes pour
satisfaire sa clientèle japonaise. De même, en France, les
frites sont habituellement consommées avec de la mayonnaise,
alors qu’aux Etats-Unis elles se consomment essentiellement
avec du ketchup. La mondialisation créée donc de nouvelles
formes culturelles de consommation et non de simples
reproductions.
Cependant, d’autres facteurs expliquent que le hamburger
soit critiqué. Son rejet par une partie de notre population
est certainement aussi lié à la nouvelle angoisse des
sociétés, celle de la peur du gros. En effet, la forte
médiatisation actuelle sur l’obésité américaine indique que
cette dernière serait due à une trop grande consommation de
produits achetés dans les fast-foods. Mais qui dit
fast-foods en France, dit hamburgers. Conséquence : nos
enquêtés préfèrent éviter la consommation de ce dernier pour
se parer contre le virus de l’obèse, susceptible de
traverser l’Atlantique pour envahir les corps européens. Les
consommateurs sont donc aujourd’hui tiraillés entre « néophilie »
et néophobie. De cette tension, naissent, au sein de nos
familles, des réappropriations individuelles. Ainsi, la
pizza et le hamburger font l’objet de préparations
familiales, sous l’œil attentif des mères de famille.
Cuisinés soit même ces aliments, mais surtout le hamburger,
semblent plus inoffensifs, plus sains.
La pizza, tout comme le hamburger, sont des aliments dits
« lipidiques », bannis par les diététiciens. Pourtant,
malgré ce que certains diront le gras a toujours joué un
rôle important dans notre alimentation, ne serait-ce parce
qu’il rehausse le goût. De plus, frit il offre des textures
attrayantes telles que le croustillant, des couleurs dorées
etc. La pizza toujours croustillante, se consomme brunie par
le fromage fondu doré par le four. Le hamburger, quant à
lui, est seulement composé d’un pain mou, aux couleurs
neutres. En effet, même si elle contient de la tomate la
pizza, dégoulinante de fromage fondu posé sur une sorte de
pâte à pain, reste un danger potentiel pour notre corps,
évoluant dans une société de plus en plus lipophobe. Mais
peu importe sa contenance lipidique, la pizza se consomme
plus facilement, au sein de notre population, que le
hamburger. En fait, la consommation du hamburger est liée à
une image, celle de la société américaine, devant
aujourd’hui faire face au problème de l’obésité.
Pizza et hamburger sont entrés, par le biais de la
mondialisation, sur le territoire français. Cette entrée a
créé une crainte. Celle de courir à une unification
culturelle des pratiques alimentaires, sous l’orchestration
des Etats-Unis. Reste qu’au sein de la population que nous
avons observée, les deux produits ne sont pas perçus de la
même manière. La pizza, italienne, s’est correctement
insérée dans les pratiques alimentaires de nos enquêtés.
L’huile d’olive accolée à l’image de la cuisine
méditerranéenne, victime d’une forte médiatisation prônant
ses bienfaits pour la santé, a permis à la pizza de
s’insérer dans les assiettes de nos familles populaires. Le
hamburger, quant à lui, divise les opinions. Emblème de la
« mal bouffe » et de l’industrialisation, Mac Donald’s ne
cesse, paradoxalement, d’augmenter le nombre de ses
consommateurs. Se sont alors les générations les plus
jeunes, au sein de nos familles, qui assurent le succès des
fast-foods. Le reste de notre population résiste à l’entrée
de ce sandwich américain dans ses assiettes. Cette
résistance prend forme par le biais de la réappropriation
individuelle de cet aliment.
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2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
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