Anna MERENDINO
Università degli Studi di Lecce
Facoltà di Beni CulturaliDipartimento di Beni
delle Arti e della Storia
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LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
Mon
intervention présente un travail en cours de réalisation relatif
aux cérémonies rituelles liées à l'allumage de feux, grands et
petits, dédiés à la célébration des saints: San Antonio Abate
(Saint Antoine), Il Bambino Gesù (L'enfant Jésus), San Carlo
(Saint Charles), San Vito, San Giuseppe (Saint Joseph). Ces
cérémonies semblent s'affirmer aujourd'hui avec une forte
vitalité dans le Salento. Les dépliants, annonçant les
événements se déroulant pendant les mois hivernaux dans quelques
communes, signalent d'ailleurs la présence de ces feux: le plus
grand de ceux du département de Lecce (celui de Novoli) voit la
présence d'autorités civiles – le Président de la Région (Les
Pouilles), du Département (Lecce), le Maire du Chef-lieu
(Lecce), les Maires des communes limitrophes – et religieuses.
Pourtant, dans diverses communes, des feux sont aussi allumés
par des enfants.
Un compte-rendu de l'art de cette cérémonie dans le Salento a
déjà été réalisé, dans les années 1970, sur diverses communes de
ce département par Elisa Miranda, Professeur d'Histoire des
traditions populaires à la Faculté des Lettres et Philosophie de
l’Università degli Studi di Lecce, et moi-même pour les travaux
de l'Atlante Ethnographique Européen dans une enquête par
questionnaire relative aux moments de la quête, aux personnes
impliquées, aux modalités d'allumage, etc. Le relevé attestait
d'une phase d'extinction de la cérémonie. Les feux allumés dans
les zones périphériques des communes, différents les uns des
autres par le choix du saint auquel était dédié le feu, par les
modalités de gestion et de participation de la commune ainsi que
par la forme et la dimension du bûcher, étaient devenus des jeux
pour les enfants. Le vol rituel des matériaux de la taille des
plants de vignes et des arbres d'oliviers utilisés comme
combustible, qui par le passé était réalisé par les enfants mais
contrôlé et géré par les adultes, a été laissé par la suite au
seul soin des enfants. Ils étaient devenus des feux de sarment
et de souche auxquels on ajoutait de plus en plus souvent de
vieux meubles et des cartons.
Le système festif pouvait encore être lu dans le rapport entre
structure et superstructure, sachant que les superstructures
culturelles ne sont pas reliées aux structures économiques et
sociales par un rapport déterministe rigide et que les
transformations des premières sont plus lentes que les
dernières. La vitalité du système festif actuel pose en réalité
des problèmes épistémologiques relatifs à l'objet d'étude, au
modèle interprétatif, au rapport entre conservation/extinction,
invention/renaissance, centre/périphérie. « Le meilleur
préambule au sujet de la "crise de l'identité" des études
démologiques[4], écrivait Pietro Clemente en 1982 (1982:52), est
la constatation que dans les dix dernières années les études
démologiques ont connu une chance notable: débats, accès
télévisés, revival locaux, publicisation diffuse, demande
territoriale, tourisme, ont vu une ambiguë mais nette présence
d'intérêt pour le folklore et, dans le cadre des "biens
culturels", une demande et une initiative sociale croissantes
caractérisées aussi par une ample présence d'opérateurs non
spécialistes.
A mon avis la rencontre entre le statut disciplinaire faible de
la démologie et une forte et contradictoire demande sociale a
mis nettement en évidence une latente et profonde crise des
identités des études. Cette crise requiert une réorganisation
adéquate du savoir démologique, de ses instruments, de ses
compétences, pour renforcer un professionnalisme élevé et
conscient dans la recherche ». Le risque est, de nouveau,
d'interpréter l'allumage des feux actuels comme une ruralité en
termes d'archaïsme et de marginal, en négligeant la fracture des
années 1960 et 1970 et les processus de décentralisation
politique et administratif qui trouvent dans les traditions
locales des arguments célébratifs et productifs d'identité.
En ce qui concerne l'objet d'étude, il semble utile de se
référer au concept que Hermann Bausinger introduisait dans
l'école allemande d'ethnologie en 1967, celui de complémentarité
entre folklore et folklorisme, termes qui dans l'acception de
divers recherches (Moser 1962, 1964) distinguaient l'un comme
les traditions authentiques et l'autre comme celles
artificielles. Un tel instrument interprétatif précédait ceux
concevant la tradition comme construction culturelle et comme
invention (Hobsbawm et Ranger 1983) qui se sont affirmés, trente
années après, dans les études en langue anglaise et qui ont
rénové les cadres interprétatifs, les objets et les méthodes de
l'ethnographie.
Comme le souligne Fabio Mugnaini (2001:41) « la thèse de fond de
l'argumentation de Bausinger, […] est que les concepts de
naturel et d'authentique sont étrangers aux formes culturelles
lesquelles demeurent des "constructions" dont on ne peut se
donner une "observation neutre" mais une compréhension et une
interprétation sur la base des données de l'expérience
historique, c'est-à-dire en tant que telles, d'interprétations
dans les corniches de précédentes théories. En réfléchissant sur
le couple folklore-folklorisme, on cesse petit à petit de
distinguer les objets légitimes des objets postiches et le
postiche entre légitimement dans le regard du folkloriste en
l'aidant à comprendre les processus de construction du sens
social d'un phénomène déterminé. Le folkloriste doit donc
affronter le "saut" de "recueilleur" de faits à témoin et
interprète des dynamiques sociales et culturelles ».
En ce qui concerne ensuite le modèle interprétatif de la fête,
Paolo Apolito (1993:7) a souligné le déclin des grandes lectures
globales de la société et l'affaiblissement de celle qu’il
définit la métaphore du totem entendue, non pas selon le concept
développé par C.Levi-Strauss, mais comme modèle d’une complète
intégration sociale qui comporte le passage vers une conception
du social comme production de ses sujets en en relevant le
manque de signifié symbolique externe à celui qui est construit
dans la pratique. En posant un problème de descriptibilité et
non de théorie de la fête, l’ethnographie de celle-ci, selon
P.Apolito, analyse différents pas et renvoie à d’autres
questions : « il faudra assumer et problématiser les rôles, dans
les fêtes, de l’appareil productif et commercial lié au temps
libre, des médias et de leur force de reproposition de la fête
dans le quotidien, c’est-à-dire de festivisation du non festif »
(Ibid.: 84). Et personnellement j’ajouterais le lien avec
l’appareil productif et le développement économique du
territoire, qui reconsidère le rapport entre centre et
périphérie, à la lumière des nouveaux dynamismes qui
investissent le territoire.
Le dynamisme culturel du territoire a d’habitude été lu dans le
cadre des modèles explicatifs en usage dans la géographie
économique. Jusqu’aux années 1970, le dynamisme était interprété
par la théorie des localités centrales, formulée par le
géographe allemand Walter Christaller en 1933, qui déterminait
les facteurs hiérarchisants des centres relatifs à la position
physique, à la localisation sur les voies de communication, au
rôle des flux de circulation, à la fonction de la
distance-accessibilité, à l’existence de services différenciés
autant qu’à la dimension-rang, qui offraient à chacun une aire
environnante, dont l’ampleur dépendait de la distance du centre.
La hiérarchie des localités centrales générait pour cette raison
une hiérarchie des régions fonctionnelles correspondante à leurs
aires de gravitation. L’espace, selon le modèle de Christaller,
se révèle un espace hiérarchisé des localités par rapport aux
biens et aux services qu’elles offraient, dont dérivait une
structure régionale hiérarchisée.
Mais spécialement à partir des années 1970, l’organisation du
territoire a été investie par de notables transformations
économiques. Le modèle de référence a été celui relatif à une
structure régionale en réseau, dans laquelle, la population et
les différentes activités se distribuent dans divers centres
mineurs, qui, somme toute, équivalent au vieux centre polarisé.
La ville distribue donc en réseau, qui peut aussi bien être
vaste de centaines de kilomètres, beaucoup de ses fonctions, qui
était auparavant polarisées dans un unique nœud, et cela grâce à
l’augmentation de la vitesse des transports qui rendent les
temps de circulation interurbain souvent plus courts que ceux
intra-urbains mais grâce aussi au fait que l’information circule
par réseau c’est-à-dire dans un espace discontinu dont les
nœuds, même si physiquement distants, sont plus proches les uns
des autres qu’ils ne le sont vis-à-vis des espaces interposés
entre eux bien que ceux-ci leur soient contiguës.
Il s’avère également utile de faire référence au concept de
milieu territorial local. Celui-ci comprend toutes les
caractéristiques qui, dans le cours du temps, se sont pour ainsi
dire sédimentées et liées de manière stable à un territoire et
qui peuvent d’une certaine manière constituer des "prises" ou
des "leviers" pour son développement. Il s’agit de conditions
naturelles originaires (climat, morphologie, paysage, etc.) qui,
dans le cours de la longue durée historique, se sont combinées
de manière variable avec les produits de l’action humaine : ceux
matériels (infrastructure, aménagements, monuments,…), ceux
culturels (traditions, savoir-faire diffus, atmosphères
entrepreneuriales…) ainsi que ceux institutionnels (Institutions
civiques, scientifiques, musées, bibliothèques…). Un des effets
de la mondialisation économique est celle de mettre en
compétition les différents territoires qui sont considérés comme
les sièges de ressources potentielles valorisables à travers la
formation d’un réseau local de sujets lequel, dans l’optique du
développement du territoire, se comporte en acteur collectif. Ce
qui maintient le réseau local ensemble et le fait coïncider avec
un certain territoire est que le projet de développement partagé
concerne la mise en valeur des ressources et des conditions
potentielles propres au territoire, c’est-à-dire localisées de
manière stable dans celui-ci, non productibles au pied levé et
non transférables de ou vers d’autres lieux.
Le milieu territorial est une espèce de patrimoine commun dans
laquelle puise le réseau local de sujets en tant qu’"acteur
collectif" du développement local. Il s’agit d’un cas typique de
combinaison de relations horizontales (les liens en réseau des
sujets) et verticales (le rapport du réseau avec le milieu) qui
donne vie aux structures territoriales, délimitables
géographiquement, auxquelles on donne le nom de système
territorial local (une région-programme), autrement dit, une
construction volontaire qui existe seulement si et quand
certains sujets activent certaines relations horizontales, entre
elles et d’autres, et verticales, avec le milieu territorial
dans lequel elles opèrent (Cf. De Matteis, Lanza 1999 : 31-38).
L’exemple serait, en ce qui concerne les Pouilles, le district
touristique caractérisé par l’offre intégrée de biens culturels,
environnementaux et d’attractions touristiques ou par la
présence diffuse d’entreprises touristiques simples ou
associées. Les mouvements de flux qui parcourent le territoire
sont sollicités par l’attention que la Communauté Européenne a
dédiée au développement des aires rurales, par exemple au
travers des programmes LEADER (1994-1999). A l’Europe, et
surtout aux régions plus désavantagées, le tourisme semble
offrir un modèle de développement naturel des aires rurales. De
la Région des Pouilles a émané la loi n°1 du 11 Février 2002
« Normes de première application de l’article 5 de la loi du 29
mars 2001, n.135 concernant le réordonnancement du système
touristique Poulliais ». La distribution des fonds structurels a
été l'objet d’un débat et d’un travail plutôt intense de la part
de la Commission depuis la Conférence de Cork (novembre 1996)
qui a été l’objectif de l’Agenda 2000.
En résumé même en redimensionnant la recherche sur des
micro-unités territoriales, comme une région dont l’économie
demeure encore essentiellement agricole, on ne peut négliger les
rapports du système territorial local.
Bibliographie
P. Apolito, 1993, Il tramonto del totem. Osservazioni per una
etnografia delle feste, Franco Angeli, Milano.
H. Bausinger, Per una critica alle critiche del folklorismo, in
Clemente, Mugnaini, 2001, pp. 145-159.
W. Christaller, 1980, Le località centrali della Germania
meridionale. Un’indagine economico-geografica sulla regolarità
della distribuzione e dello sviluppo degli insediamenti con
funzioni urbane, Franco Angeli, Milano.
P. Clemente, 1982, Gli studi demologici italiani: problemi di
teoria e di metodo, in AA. VV., 24-26 septembre 1981, Il fuoco
sacro. Demologia fra dibattito e ricerca, Atti del convegno, San
Marco in Lamis, pp. 51-67.
G. De Matteis, C. Lanza, 1999, La regione geografica, in AA.
VV., Geografia dell’economia mondiale, Torino, UTET, pp. 22-42.
E. J. Hobsbawm, T. Ranger, 1983, The Invention of Tradition,
Cambridge University Press, Cambridge.
H. Moser, 1964, Der Folklorismus als Forschungsproblem der
Volkskunde, in « Hessiche Blätter für Volkskunde » n°55, pp.
9-57.
F. Mugnaini, 2001, Le tradizioni di domani, in Oltre il
folklore. Tradizioni popolari e antropologia nella società
contemporanea, sous la direction de P. Clemente e F. Mugnaini,
Carocci, Roma.
Il s'agit de la partie méridionale des Pouilles, région
située dans le "talon" de la "botte" italienne (N.d.T.).
Monastero degli Olivetani, Via S. Nicola, 73100 Lecce,
Italie.
Il faut entendre par là "l'étude des pratiques
populaires et du folklore" et dans une certaine mesure
"l'ethnographie" (N.d.T.).
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