Sociologies des
sublimations universelles
Sociologie de l'amour
Sociologie de
l'art
Sociologie de la liberté
14
après
Nommer
l'amour,
5 ans
après
Eros et
société,
Un
livre à
trois
mains
Eros et
Liberté
Cliquer
sur
l'image
Nommer
l'Amour
|
|
|
|
Joëlle-Andrée Deniot
Professeur de sociologie à l'Université de Nantes
Habiter-Pips, EA 4287
Université de Picardie Jules Verne - Amiens
Membre nommée du CNU |
Autre
ponctuation
forte d'une
anthropologie
de l'amour,
en juin
2009, Joëlle
Deniot
appelle à
communiquer
avec Jacky Réault
pour un
autre
colloque
international,
Eros
et Société,
Vouloir
vivre
Vouloir
jouir
Vouloir
mourir
Vouloir tuer.
Un livre en
est issu au
Lestamp
Edition
Nantes
Février 2009
sous le même
intitulé.
Pour le
sommaire
cliquer ici
Joëlle
Deniot
annonce en
avril 2012
un maître
livre
résumant
quinze ans
de travaux
anthropologiques
sur les voix
de femme et
la scène de
la chanson
française
Edith
Piaf, la
voix le
geste
l'icone,
Esquisse
anthropologique.
Paris avec
des encres
et gouaches
originales
de Mireille
Petit-Choubrac
Presse book,
Dès la mise
en site en
Janvier
2012, de ce
texte devenu
introuvable,
Joëlle
Deniot a été
sollicitée
et citée
pour la page
du quotidien
Le Monde,
Vous,
consacrée
aux
Irremplaçables
Lettres
d'amour,
Mélina
Gazsi, 12,
13 février
2012 p. 19)
Colloque
International
: Nommer
l'Amour des
11 et 12
février 2000
L’état
amoureux, en
ses
composantes
sensible,
érotique ou
sublime, se
décline
toujours de
manière
ambivalente.
L’amour est,
pour ainsi
dire, en
suspens. Il
est choc,
mais il se
mue en
rites. Il se
tient entre
jouissance
et douleur,
puissance et
aliénation.
Il est
merveille de
l’embellie
mais aussi
menace,
risque
ultime. Il
se joue
entre
sacralisation
et
profanation
de l’autre.
Il est de
l’ordre de
la
perfection,
mais aussi
de la
guerre. La
visée de
transcendance
y côtoie le
vertige de
la chute. Il
est survie.
Il est
trivial. Il
est fugace
et « ruse de
l’immortalité ».
L’amour est
fils du
manque, ce
vide qui
porte le
désir du
plus charnel
au plus
désincarné.
Puis il est
aussi cet
écho d’une
plénitude
réelle ou
rêvée. On
pourrait
allonger la
liste de
cette
solidarité
des
contraires;
première
caractéristique
de l’Amour,
cette
tension vers
l’autre,
l’inconnu,
le semblable
qu’il soit
un ou
multiple, de
nature
humaine ou
idéale.
Première
caractéristique
qui nous
place face à
cette
émotion
sensible
« la plus
profonde et
la plus
troublante »,
d’abord dans
l’inquiétude
de
l’insaisissable.
Fondamentalement,
l’Amour
reste du
côté du
mystère et
du hasard.
Il participe
de cette
catégorie
d’expérience,
d’initiation
que le
concept ne
peut que
malaisément
délimiter,
surtout en
des sciences
sociales qui
ont
largement
délaissé les
approches de
la passion
et de
l’émotion au
profit de
questionnements
plus
« raisonnables »
concernant
les
tactiques,
stratégies,
finalités de
l’action.
Pourtant,
s’il est
difficile à
cerner, il
est, dans le
même temps,
une
provocation
pour la
pensée, ce
dont
l’histoire
porte
trace.
Car, en son
trajet
anthropologique,
ce mythe
épouse les
formes du
temps.
Raffinement
de
civilisation
et
ravissement
pulsionnel,
l’Amour fut,
depuis les
temps
antiques,
cet objet de
représentation
et de
réflexion
par
excellence.
Devenu art
de vivre, il
fut, en
milieu
aristocratique
et
bourgeois,
l’objet de
bien des
codifications.
La
rhétorique,
les
Beaux-Arts,
les sciences
abondent en
commentaires,
en
figurations
des
disciplines,
des
expressions,
des états,
des étapes
d’un
sentiment
amoureux
dont la
vérité
apparaît,
puis se
dérobe sans
cesse.
Images,
sons,
formes,
débats,
regards,
touchers,
impressions,
disputes.
Savants,
esthètes,
artistes,
témoins et
acteurs
ordinaires,
tous sont, à
l’ère
démocratique
du Bonheur,
conviés au
Banquet. Si
les
sociologues
ont peu
parlé
d’Amour,
l’amour lui,
s’est
beaucoup
parlé ; il
se parle, se
donne à
voir. Il est
même, en ses
retraits
intimes,
depuis les
années 70,
devenu objet
de parole
publique. Il
est entré
sur la scène
de la
réflexivité
et de la
curiosité
sociales.
Nous
constatons
alors que
l’Amour, cet
insaisissable,
est aussi
l’objet de
bien des
attentions,
et de bien
nombreux
discours,
très
conventionnellement
socialisés,
pour la
plupart
d’entre eux.
Nommer
l’Amour, ce
titre donné
au Colloque,
engage,
d’ailleurs,
vers
certaines
perspectives
larges, mais
déjà
définies de
l’objet.
Car, on ne
saurait
envisager
analyses,
recherches,
rencontres
de
disciplines
à propos de
l’Amour, si
ce vocable
est pris
dans son
absolu et
sans autre
spécification.
Aussi, pour
échapper à
cette aporie
de
l’inconnaissable
précédemment
évoquée,
précisons,
d’abord, nos
principales
trames de
préoccupations
:
>
L’Amour est,
ici, compris
comme
mobilisation
d’un
imaginaire
du corps, du
langage, de
l’altérité
et de
l’utopie.
> L’Amour
est, ici,
compris
comme figure
d’excès au
quotidien ;
déité de la
forêt ou du
foyer à qui
l’on peut
rendre
hommage par
des actes
grandioses
ou des
cultes
minuscules.
Petit amour,
grand amour
sont
jumeaux. On
ne saurait,
d’ailleurs,
mesurer la
portée d’un
charme pour
qui le
transmet et
pour qui le
reçoit.
> L’Amour
est, ici,
compris
comme
esthétique
et érotique
du lien
social.
Inséré dans
une histoire
sociale des
comportements
de
séduction,
dont nous
limiterons
l’étude à la
période
contemporaine.
Inséré aussi
dans une
généalogie
de
l’éducation
sentimentale,
où il paraît
important
d’insister
sur les
moments de
l’enfance et
de
l’adolescence.
Plus
précisément
encore,
cette
approche se
fonde sur
six
orientations
thématiques
permettant
de cadrer
les
propositions
de
communication
:
|
1. |
L’Amour
et
les
écritures
sensibles, |
|
2. |
L’Amour
comme
épreuve
initiatique
au
quotidien, |
|
3. |
L’Amour
effeuillé
en
rituels
familiers, |
|
4. |
L’Amour
et
la
généalogie
des
sentiments, |
|
5. |
L’Amour
comme
objet
de
réflexivité
sociale
dans
l’histoire
présente, |
|
6. |
L’Amour
comme
question
posée
aux
sciences
sociales. |
1. L’Amour
et ses
écritures
sensibles
La trace
fait partie
de cet
élan
amoureux qui
se connaît
sans se
connaître et
qui tient,
dans
l’angoisse
consciente
ou
préconsciente,
à se
préserver en
l’état.
Aussi les
médiations
de ce que
nous avons
appelé « les
écritures
sensibles »,
sont–elles
parmi ces
manifestations
qui
traversent
constamment
l’imaginaire
et les actes
des
pratiques
amoureuses,
parce qu’il
y a là
supports de
transfiguration
de cet
innommable
du désir et
de la
sensation.
Si nous
ne
pouvons
pas
accéder
directement
à l’émotion,
nous pouvons
comme
sociologues,
psychanalystes,
historiens,
philosophes
ou
littéraires
en analyser
son
écriture,
terme pris
au plus
large, et
cela en ses
dimensions
rudimentaires
ou
précieuses
(tatouages,
courriers du
cœur,
journaux
intimes et
tous les
langages de
l'art
populaire,
sacré ou
lettré).
2. L’Amour
comme
épreuve
initiatique
au quotidien
L’Amour,
synthèse des
opposés est
une prise de
risque, une
recherche
d’intensité
inconnue,
étrange ou
étrangère,
c’est une
aventure de
l’excès. Il
n’existe,
parfois,
qu’un écart
faible
séparant
délire,
vertige et
amour… ce
qui fait de
ce dernier,
une
expérience
ou une
attente
presque
routinisée
de l’extase
hors de
toute mesure
et commune
portée. En
ce sens,
l’Amour est
une figure
actuelle et
courante du
tragique.
Dans cette
logique de
l'extême
amoureux, on
pense aux
récits
ordinaires
de la
passion, aux
dialogues de
l'amour et
de la mort
qu'ils
rejoignent
la question
des "addicts"
ou les
dévastations
de la perte.
3. L’amour
effeuillé en
ses rituels
familiers
Désir de
risque,
l’amour est
aussi désir
de
conservation,
désir de
durée… ce
qui nous
amène à le
regarder en
cette
micro-ritualité
des échanges
affectifs et
érotiques.
Sous cet
angle, les
convenances
semblent
l’emporter.
C’est
qu’alors
l’amour,
émotion
mystérieuse,
prend
parfois
l’apparence
du
non-mystère.
L’aura est
cet
arrière-plan
lointain.
Quand
l’amour se
fait trop
proche, son
halo de
lumière
s‘estompe.
Cet aspect
de « familialisation »
de
l’échange,
de
« domestication »
de
l’échange
amoureux,
prend
d’autant
plus
d’importance
que les
« utopies
immédiates »
du bonheur
privé, ont
désormais
pris bien de
la place
dans le rêve
social
humain ( le
langage des
cadeaux, les
photos, la
querelle, le
coup de fil,
le voyage).
4. L’Amour
et la
généalogie
des
sentiments
Il s’agit
aussi de
restituer
cette
ritualisation,
cette mise
en forme
du
sentiment
amoureux
dans un
trajet, une
éducation du
ressenti, de
l’extériorisation
ou du
refoulement
des émotions
(la
communauté
familiale
affective,
l'influence
des modèles
romanesques,
filmiques
dans
l'initiation
érotique
fantasmée et
vécue).
5. L’Amour
comme objet
de
réflexivité
sociale dans
l’histoire
présente
Cette
expression
désigne deux
ordres de
fait.
Premièrement
que les
rapports de
séduction
innervent
toutes les
rencontres
sociales et
que cette
conscience
d’une
esthétique
et d’une
érotique du
rapport à
l’autre, est
de plus en
plus, à la
fois,
affirmée et
normalisée,
à l’échelle
du plus
grand
nombre.
Deuxièmement
qu’ordre et
désordre
amoureux
sont entrés
dans le
débat
public. Sur
la période
récente des
trente
dernières
années...
période
féministe,
période de
« libération
des mœurs »,
découverte
du sida… ont
fait du
privé, objet
de polémique
citoyenne,
politique,
sociétale (
Rapport
sexué et
imaginaire
amoureux,
érotisme et
domination
masculine,
puritanisme
et
libéralisme).
6. L’Amour
comme
question
posée aux
sciences
sociales
Ce problème
traverse
l’ensemble
des
propositions.
Ici
pourraient
être
abordés, de
façon plus
épistémologique,
les thèmes
de la
compréhension,
du « trajet
anthropologique »,
de
l’écriture
du sentiment
et de la
sensation,
dans
l’interprétation
des faits
sociaux. En
effet,
traiter la
thématique
de l’amour
dont
l’intelligibilité
s’opère, en
partie, par
acte de
saisie
intuitive,
interroge en
sciences
sociales les
axiomes
positivistes
et le
passage
créatif à
une poétique
du sensible.
|
Intervenants
au colloque
« Nommer
l’Amour » :
Francesco
ALBERONI,
Sociologue
(Milan)
Titre :
Intimité et
habitude
Edgar MORIN,
Sociologue
(Paris)
Titre :
J’écris ton
nom : Amour
Rozenn Le
BRIS,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
Songe et
accomplissement
: l’écriture
de la lettre
d’amour
Marinella
FEDRIGOLI –
Gian Carlo
VOLPATO,
(Club di
Giulietta
Vérone)
Titre :
Juliette et
les
confidences
quodidiennes,
Eros et
héroïne :
Amour et
dépendance
Patricia
BOUHNIK,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
Eros
et héroïne :
Amour et
dépendance
Marina d’AMATO,
Sociologue
(Rome)
Titre :
La
télé-Amour
: Miroir et
lentille de
la vie
Kornélia
HAHN,
Sociologue
(Lüneburg),
Allemagne
Titre :
Romances in
movies
Gérôme
GUIBERT,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
Passion de
détruire et
destruction
des
passions,
les Punks
contre
l’amour ?
Noëlla
SAUNIER,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
Le Tatouage
ou l’Amour
incorporé
Philippe
RIGAUT,
Sociologue
(Amiens)
Titre :
De
l’Internet à
l’inédit :
le féminin
et ses
constructions
amoureuses
Patrice
HUGUES,
Artiste et
chercheur.
Titre :
Le Tissu de
l’Amour
Claude
JAVEAU,
Sociologue
(Bruxelles)
Titre :
Iconographie
érotique et
convocation
au désir
Joëlle
DENIOT,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
Amour de
vous, Amour
de voix
M.-Caroline
VANBREMEERSCH,
Sociologue
(Amiens)
Titre :
L’Amour de
l’art dans
le roman
contemporain
:Figures de
l’excès
Sylvie
GUIONNET,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
Quand lire
donne à
aimer
Daniel
BRIOLET,
Littéraire
(Nantes)
Titre :
La relation
au Poème, ou
« L’Amour
réalisé du
désir
demeuré
désir »
Georges
BERTIN,
Sociologue
(Angers)
Titre :
Figures du
désir chez
André Breton
Gilles
RAVENEAU,
Sociologue
(Rouen)
Titre :
La passion
et la mort :
Méduse, le
corail, la
femme.
Maïté DEBATS,
Sociologue
(Toulouse)
Carol
PRESTAT,
Co–réalisatrice
du
reportage.
Titre :
Cinq
femmes et
des mariages
Annick HOUEL,
Psychologue
(Lyon)
Titre :
L’adultère
au féminin
et son roman
Sylvette
DENEFLE,
Sociologue
(Tours)
Titre :
Les femmes
sont faites
pour aimer
Rosantonietta
SCRAMAGLIA,
Sociologue
(Milan)
Titre :
L’amore nei
bambini e
negli
anziani
Gabrielle
HOUBRE,
Historienne
(Paris)
Titre :
Oie blanche,
demi-vierge,
affranchie :
Trois
figures de
la jeune
fille dans
l’imaginaire
amoureux du
XIXè à
l’entre-deux-guerres
Annie
DUSSUET,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
Nommer
l’Amour –
Taire le
Travail
Daniel
WELZER-LANG,
Sociologue
(Toulouse)
Titre :
L’utopie
d’autres
sexualités
et la
domination
masculine :
l’exemple de
l’échangisme
Numa MURARD,
Sociologue
(Paris)
Titre :
Jardin
secret,
amour
impossible,
l’amour dans
les récits
biographiques
ou les
limites de
la
réflexivité
Augustin
BARBARA,
Sociologue
(Nantes)
Titre :
La rencontre
amoureuse
dans le
couple mixte
Jean-Olivier
MAJASTRE,
Sociologue
(Grenoble)
Titre :
T’as de
beaux yeux,
tu sais
Anne HELIAS,
Sociologue
(Paris)
Titre :
Images et
mots :
l’histoire
du grand
amour
Martine
MOUNIER,
Ingénieur
(Montpellier)
Titre :
D’un récit
intimiste
vers une
écriture
anthropologique
du couple
Hassan
QUAROUCHE,
Sociologue
(Montpellier)
Titre :
Le Silence
et l’Amour
Amour de
vous, amour
de voix
|
|
Auteur Joëlle Deniot,
Professeur de Sociologie, Université de Nantes, membre nommée du CNU
Dans la France d’avant la fracture 40-45, il y a des écrivains fascinés par le music-hall. Il y a des poètes inspirés, bouleversés par les saltimbanques Certains se consumeront de passion, d’amour contrarié pour les belles héroïnes de la complainte réaliste de ce temps.
C’est le cas de Robert Desnos, poète surréaliste dissident qui aima Yvonne George qui s’illustra dans la chanson vécue, qui reprit, au grand dam d’Yvette Guilbert, des airs du folklore traditionnel sur les scènes parisiennes.
Yvonne George dont il ne reste pas que quelques traces sonores et quelques portraits tracés à la plume ou au pinceau, c’est ce visage ardent peint par Van Dongen, cette silhouette longue théâtralement sertie de velours vert, cette voix de diseuse acerbe chantant les destins sombres des filles et des marins. |
|
|
L’orient
de
ta
voix
Yvonne
George
et
Robert
Desnos
|
|
La
voix,
la
peau,
le
regard,
premières
pulsions
de
contact,
fantasmées
dès
l’enfance.
La
voix
qui
porte
la
confidence.
La
voix
qui
érotise
le
secret
des
amants.
L’amour
deviendra
chuchotement
qui
se
perd
dans
les
cheveux. |
|
Entre
Ma
voix,
Sa
voix,
La
voix
se
sont,
avec
Éros,
tissés
des
liens
lointains,
complices
et
fascinants.
Nous
n’en
traiterons,
ici,
ni
de
façon
trop
générale,
ni
de
façon
trop
personnelle.
Mais
nous
tenterons
d’en
atteindre
une
«
réalité
topique
»[1]
à
travers
l’analyse
d’une
rencontre,
en
ses
lieux,
temps
et
style
minutieusement
spécifiques.
Rencontre
de
deux
personnages,
certes,
assez
discrets,
largement
oubliés,
mais
tout
de
même,
inscrits
dans
l’histoire
et
dans
la
légende.
Rencontre
témoignant,
alors,
idéalement,
héroïquement
de
cet
état
où
l’amour
à la
voix
se
mêle.
Nous
sommes
dans
l’entre-deux-guerres.
Nous
sommes
dans
l’effervescence
nocturne
de
Montparnasse.
1925.
Elle,
c’est
Yvonne
George,
elle
est
chanteuse
de
music-hall.
D’abord,
il
la
contemple.
Il
reçoit
la
présence
douloureuse
de
sa
voix.
Lui,
c’est
Robert
Desnos,
il
est
poète,
tôt
venu
au
mouvement
surréaliste
dans
les
premières
fièvres
expérimentales,
celles
des
« effusions
verbales
»[2]
entre
veille
et
sommeil,
celle
de
l’écriture
automatique.
1929.
Elle,
vient
de
mourir.
Lui,
attend
que,
du
poème,
vraiment,
vainement
surgisse
l’apparition
de
la
mystérieuse
vagabonde.
J’ai
rêvé
de
vous
J’ai
choisi
comme
thème
central
de
recherche,
l’art
féminin
de
la
chanson
de
langue
française.
Je
me
suis
d’abord
portée
vers
le
répertoire
réaliste
de
l’entre-deux-guerres.
Berthe
Sylva,
Fréhel,
Damia,
Marianne
Oswald
…
Des
voix
perdues
dans
le
bruit
et
le
passé
du
monde.
J’ai
écouté
ces
sonorités,
ces
paroles
de
nuit.
Elles
m’ont
émue.
Depuis,
je
les
cherche.
Depuis,
je
les
découvre.
De
traces
discographiques
en
traces
visuelles
rares,
de
grappes
de
témoignages
en
indices
éclatés,
je
poursuis
l’analyse
rigoureuse
et
songeuse
de
ces
fantômes
aimés.
Distant
voices.
Sur
fragments
d’archives
plurielles
et
minces,
je
m’essaie
à
capter,
décrire,
ethnographier
en
somme,
ces
portraits
de
voix,
ces
portraits
de
vies,
ces
portraits
de
femmes.
Je
m’essaie
à
penser,
à
dessiner
ce
peuple
féminin
de
diseuses
de
la
complainte
humaine
et
sociale,
arrivées
à la
scène
du
cabaret
et
du
music-hall,
dans
ce
moment
crucial
de
l’histoire
économique,
politique,
artistique
et
morale
du
siècle.
Que
pèsent
donc
l’aventure
et
l’esthétique
d’une
voix,
dans
les
ébranlements
et
les
équilibres
mondiaux ?
C’est
vers
cette
question
de
funambule
- et
non
de
sociologue,
bien
sûr
-
que
je
me
suis
tournée.
Je
n’étais
pas
bien
loin
désormais,
d’
Yvonne
et
de
Robert.
Quelques
photographies.
Le
célèbre
portrait
du
peintre
Van
Dongen.
Quelques
indications
de
répertoire.
Des
enregistrements
introuvables.
Yvonne
George,
silhouette
et
interprète
qui
m’était
apparue
dans
le
sillage
des
mots
de
Desnos,
resta
longtemps,
pour
moi,
une
chanteuse
inconnue,
une
voix
du
silence.
Car
si,
pour
l’essentiel,
elle
chante
et
des
complaintes
de
marins
et
des
romances
sombres,
elle
reste,
pourtant,
à
l’écart
des
grandes
interprètes
réalistes,
à
l’écart
des
derniers
éclats
de
leur
légende.
Fêté
par
les
amis
de
Montparnasse,
le
magnétisme
de
la
féline
n’est
pas
apprécié
par
les
amis
de
Montmartre.
On
la
nomme
la
diseuse
snob,
on
parle
d’elle
en
tant
qu’interprète
cérébrale.
Un
passé
brutal,
un
détresse
hors
du
commun
la
rapprochent
des
grandes
héroïnes
du
genre
réaliste.
Mais
elle
se
dit
également
fille
de
Nerval,
déclare
son
dégoût
des
hommes,
ne
cache
pas
ses
passions
lesbiennes.
Ce
sont
là
des
« extravagances »
qui
l’éloignent
de
la
chanson
réaliste,
attachée
aux
figures
de
la
misère
sociale,
du
destin,
du
mal
d’amour,
mais
également
aux
stéréotypes
masculins/féminins
du
monde.
Alors,
tandis
que
Damia
et
Fréhel,
avant
la
môme
Piaf,
se
transforment
en
véritables
emblèmes
populaires,
tandis
que
celles-ci
et
d’autres
deviennent
les
voix
de
ce
peuple
douloureux,
marginal,
« sauvage »,
sans
être
subversif
des
chansons
montmartroises
…Yvonne
George,
elle,
ne
fascine
qu’un
cercle
d’artistes
élégants.
Davantage
inspiratrice
que
porte
-
parole.
Ainsi,
je
suis
d’abord
entrée
dans
le
désir
de
voir
surgir
un
jour,
l’écho
de
cette
interprète
réaliste,
à la
marge.
Et
je
suis
restée
en
cela
dans
le
cours
normal
de
mon
enquête.
Pour
accompagner
mon
désir,
j’ai
suivi
la
voix
de
Desnos,
ses
nombreux
hommages
au
regard,
à la
chevelure,
aux
mains,
au
souffle,
au
corps
sublimé
en
somme,
de
celle
qui
se
dérobait
toujours.
Toi
qui
es à
la
base
des
mes
rêves
et
qui
secoues
mon
esprit
plein
de
métamorphoses
et
qui
laisses
ton
gant
quand
je
baise
ta
main.[3]
Pour
accompagner
mon
désir,
j’ai
écouté,
je
me
suis
récité
ces
hymnes
hallucinés,
dédiés
à
celle
qui
ne
répondait
pas.
J’ai
tant
rêvé
de
toi
qu’il
n’est
plus
temps
sans
doute
que
je
m’éveille.
Je
dors
debout,
le
corps
exposé
à
toutes
les
apparences
de
la
vie
et
de
l’amour
et
toi,
la
seule
qui
compte
aujourd’hui
pour
moi,
je
pourrais
moins
toucher
ton
front
et
tes
lèvres
que
les
premières
lèvres
et
le
premier
front
venu.[4]
C’est
alors
que
je
suis
sortie
du
cours
habituel
de
mes
applications
studieuses
à
l’objet
d’étude.
J’ai
rêvé
d’Elle,
de
son
absence,
de
son
chant,
à
travers
Lui.
Je
me
suis
insensiblement
engagée
dans
l’attente
inquiète
de
cette
voix
évanouie.
J’ai
rêvé
qu’au
détour
d’une
image,
peut-être,
plus
pensive,
qu’au
détour
d’un
enregistrement
inédit,
j’allais
la
retrouver,
familière,
énigmatique.
Mieux
encore,
j’ai
rêvé
de
lumière
subite,
et
de
ravissement,
j’ai
rêvé
de
saisir
une
intuition
vraie
de
sa
présence
vocale,
humaine
et
scénique.
J’ai
pris
au
mot
l’Amour
de
Desnos
pour
aborder
cet
éclat
de
voix :
ses
lèvres,
son
visage,
son
silence
et
sa
perte.
…La
chair
palpite
à
son
appel
Celle
que
j’aime
ne
m’écoute
pas
Celle
que
j’aime
ne
m’entend
pas
Celle
que
j’aime
ne
me
répond
pas[5]
Le
dialogue
amoureux
entre
Yvonne
et
Robert
est
un
dialogue
d’étrange
nature,
toujours
différé,
indirect,
s’instaurant
essentiellement
entre
deux
langages,
deux
imaginaires
distincts
de
la
passion.
Langage
pathétique
de
la
chanson
pour
Yvonne
George,
langage
lyrique
du
poème
pour
Robert
Desnos.
Langages
qui
ne
se
parlent
pas,
mais
langages
qui
s’interpellent
à
distance,
langages
qui
se
lient
à
contretemps.
Drôle
de
chœur.
Drôle
de
drame.
Drôle
de
flamme.
Au
delà
de
l’échange
entre
homme
et
femme,
ce
dialogue
amoureux
se
trame,
se
consume
entre
deux
poétiques,
au
croisement
bien
incertain.
Mais
cette
incertitude
a
fait
naître
et
ce
qui
me
bouleverse
et
ce
qui
m’intéresse,
ce
qui
donc
me
retient
auprès
de
ces deux
protagonistes,
auprès
de
ces
deux
figures
amoureusement
équivoques,
car
toujours
solidaires
et
toujours
étrangères.
Et
c’est
bien,
sur
ce
point
de
l’impossible
rencontre
entre
deux
poétiques
de
la
Passion
que
j’ai
fait
voyager
mon
rêve ;
sur
ce
point
également
que
j’ai
retrouvé
le
chemin
raisonné
de
mon
objet
d’étude :
dépeindre
comment
cette
diseuse,
ce
poète,
sans
grande
connivence
de
culture
et
de
code,
mais
soumis
aux
charrois
des
circonstances
et
du
temps,
furent
traversés
par
la
troublante
aventure
du
chant
des
mots
… Ce
lieu
où
l’Autre
advient,
où
se
prépare,
s’entend,
se
dit
ce
qui
fait
événement
pour
soi.
Valparaiso
Hardi
les
gars
Vire
au
guindeau
Good
bye
Farewell,
good
bye
Farewell
Hardi
les
gars
Adieu
Bordeaux
Hourra
pour
Mexico
– ô
– ô
– ô
1930.
La
période
correspond
à
l’apogée
de
l’empire
colonial
français.
Damia
chante Les
goëlands ,
Florelle,
J’attends un
marin ,
Berthe
Sylva,
La
légende
des
flots
bleus,
autre
classique
de
la
chanson
réaliste.
Les
marines
sont
les
chansons
du
moment.
Au
Caphorn,
il
ne
fera
pas
chaud
All
well,
eh
Au
lac
sale
Pour
la
fête
au
cachalot
Un
matelot
Oh
eh
hisse
eh
oh
Voix
de
poitrine,
argot
de
matelot,
phrasé
appuyé,
notes
d’attaque
âpres,
volume
vocal
ample :
c’est
en
ces
tonalités
abruptes
et
sur
cet
air
de
folklore
à
vocation
chorale,
que
j’entendis,
pour
la
première
fois,
un
enregistrement
de
la
chanteuse
Yvonne
George.
Plus
tard,
il
laissera
sa
peau
Good
bye,
Farewell
Good
bye,
Farewell
Adieu
misère,
adieu
bateau
Hourra
pour
Mexico
– ô
– ô
–
Et
nous
irons
à
Valparaiso
Cette
première
rencontre
tant
espérée,
me
surprend.
Ce
qui
me
surprend,
c’est
d’abord
un
manque
de
singularité
dans
le
style
chanté.
Les
paroles
enflammées
de
Desnos
m’avaient
fait
imaginé
tout
le
contraire.
Chercher
une
voix,
c’est
inventer
sa
beauté,
c’est
déjà
commencer
à
l’aimer.
Pourtant
,
là,
à la
première
écoute,
je
suis
déçue.
Et
restant
dans
le
paysage
vocal
de
mes
investigations
sur
la
chanson
féminine,
je
n’y
trouve
alors,
ni
l’assurance
de
timbre
de
Berthe
Sylva,
ni
la
violence
d’émotion
d’une
Damia.
Je
suis
déçue,
mais
je
suis
troublée
aussi,
par
l’ambivalence
très
audible
de
cette
voix
chantée.
Tantôt
elle
avance
avec
l’énergie
d’une
Fréhel,
tantôt
elle
se
moque,
elle
évoque
la
raillerie
d’une
Marianne
Oswald.
Dès
la
deuxième
écoute,
je
suis
frappée
par
l’étrange
impression
que,
dans
la
voix
de
cette
femme,
il
existe
plusieurs
voix
qui
se
cachent,
se
répondent,
se
révèlent
tour
à
tour.
Tout
se
passe
comme
si
une
certaine
monochromie
de l’interprétation
réaliste
était,
ici,
déjouée,
biffée
par
le
travail
d’une
voix
de
l’entre-deux.
La
mélodie
bien
rodée,
est
par
endroits
zébrée
d’un
détail,
d’un
punctum,
d’une
exclamation,
d’un
rire,
d’une
inflexion
de
la
voix
parlée.
Ces
écarts
vibrent
comme
une
coupure,
une
blessure,
une
ruse
au
détour
du
chant,
de
sa
rengaine,
de
ses
moires.
Cette
intuition
va
se
préciser
à la
découverte
des
autres
titres
de
son
répertoire.
Là
ce
sont
tous
les
jeux
de
déplacements
pressentis
dans
la
chanson
de
marin
qui
s’amplifient
et
révèlent
leurs
différentes
facettes.
J’ai
pas
su y
faire
La
mort
du
bossu
Adieu
chers
camarades
Pars…
De
la
voix
profonde
à la
voix
claire,
de
la
gouaille
au
désespoir,
à
l’appel
claironnant,
révolté,
du
phrasé
grinçant
aux
nuances
voilées
de
la
mélancolie,
c’est
tout
le
théâtre
des
voix
féminines
du
temps
qui
traverse
cette
voix.
D’une
chanson
à
l’autre,
c’est
l’écho
soudain
de
Florelle,
d’Yvonne
Printemps,
d’Arletty
qui
effleure
les
sens
et
s’évanouit.
Cette
voix
ne
me
déçoit
plus.
Elle
me
parle.
Chercher
une
voix,
c’est
trouver
à
aimer.
Son
style
est
celui
de
la
métamorphose.
Et
l’interprétation
de
ces
chansons
dites
« chansons
vécues »
est
un
véritable
art
de
composition.
Ce
qui
l’éloigne
de
l’art
plus
expressif
de
voix
réalistes
iconiques
comme
celles
de
Fréhel,
Damia
ou
Piaf.
Cette
femme
n’est
pas
star,
mais
actrice.
Elle
sculpte
chaque
chanson
dans
le
matériau
du
texte,
du
scénario
pour
faire
vivre,
entre
le
masque
et
la
peau,
le
personnage,
les
personnages
qui
aspirent
à
quelque
brève
incarnation…
le
temps
d’une
chanson.
La
transe
que
convoque
cette
voix
n’est
ni
dans
le
timbre,
ni
dans
la
résonance,
ni
dans
la
puissance,
mais
dans
la
modulation
épidermique
du
récitatif.
Cette
diseuse
tantôt
goualeuse,
tantôt
lyrique,
cette
chanteuse
à
plusieurs
voix
qui
faisait
de
la
chanson
« un
prétexte
à
être
une
autre[6] »,
inquiète
même
Yvette
Guilbert
lorsque,
dans
son
tour
de
chant,
elle
introduit
des
airs
du
folklore
dont
la
dame
à la
voix
pointue
et
aux
longs
gants
noirs,
se
veut
la
spécialiste
exclusive.
Commencer
à
écrire,
décrire
une
voix,
c’est
d’abord
inventer
son
amour
pour
elle.
C’est
ainsi
qu’avec
Yvonne
George,
je
débutais.
Il a
suffi
qu’elle
chante
Dans
une
langue
plus
descriptive
et
plus
directe
que
celle
des
poèmes
composant
le
Recueil
A
la
mystérieuse,
Robert
Desnos
âgé
de
vingt
ans,
journaliste
occasionnel
à
Paris-Soir,
consacre
quelques
articles
éblouis
à
l’interprétation
d’Yvonne
George,
chantant
à
l’Olympia.
C’est
ainsi
qu’il
entre
en
écriture
amoureuse
transportant
le
lecteur
-
spectateur
dans
une
véritable
scénographie
de
la
rencontre
miraculeuse.
Las
de
l’inexplicable
tristesse
du
temps
Nous
nous
réfugions
au
music-hall
/…/
Ventriloques
rococo
Exploits
des
acrobates
Rire
provoqué
par
les
clows
et
les
excentriques/…/
La
mélancolie
s’y
exalte
bruyamment/…/
Mais
voici
qu’une
femme
…
Visage
d’aventure
et
yeux
évocateurs
Menue
sur
la
scène
immense
Geste
rare
et
cruel
Marche,
scandant,
la
mort
du
« petit
Bossu »/…/
Voici
que
sa
voix
émouvante
s’élève
…
Ces
premiers
mots
d’amour
dédiés
à la
« voix
d’une
femme »,
« dont
l’étrave
gigantesque
prend
l’âme
des
spectateurs »,
sont
animés
par,
ce
que
l’on
pourrait
nommer,
une
érotique
de
l’apparition.
Elle
se
manifeste
d’abord
comme
récit
d’un
envoûtement
dont
la
tension
est
d’ailleurs
tenue
par
l’intensité
rythmique
d’un
texte
à
forte
puissance
incantatoire.
Il a
suffi
pour
nous
purifier
Qu’Yvonne
George
parût
/…/
Il a
suffi
qu’elle
chante
Pour
que
nous
prenions
conscience
La
voix
d’une
femme
Et
l’océan
déferle
/…/
La
voix
d’une
femme
Les
spectateurs
sombrent
dans
les
profondeurs
/…/
La
voix
d’une
femme
Et
dans
ces
têtes
subjuguées
Se
réveillent
/…/
Comme
si
le
texte
gardait
inscrit
le
tatouage
de
cet
envoûtement
dont
le
terme
est
bien,
ici,
à
entendre
sans
modération,
avec
toute
sa
résonance
magique
primitive
et
tout
son
fardier
d’anciennes
légendes.
Elle
paraît
et
des
yeux
qui
n’avaient
pas
pleuré,
pleurent
… »
Face
à la
femme
apparue,
l’amour
est
d’abord
ce
consentement
intime
au
merveilleux,
cet
abandon
au
mystère,
au
miracle
« à
tous
ces
visages
de
l’inquiétude »,
comme
les
identifiait
très
justement
Robert
Desnos.
L’inquiétude,
le
désir,
le
songe
sont
ici
synonymes
parce
qu’ils
fraternisent
dans
les
nappes
phréatiques
de
notre
moi
mythologique.
La
chanson,
cette
longue
mémoire,
cette
rêverie
populaire,
ce
bref
suspens
du
temps,
cette
lumière
aérienne
de
l’amour
…
parfois
vous
mène
à
ces
hypnoses
originelles.
Certaines
chansons
par
la
vertu
d’un
mot
plus
précieux
que
l’alluvion
de
certains
fleuves
sauvages
par
la
vertu
d’un
ton
qui
est
celui
des
plus
retentissantes
paroles
ouvrent
ces
portes
des
domaines
désirables »
L’envoûtement
- on
le
voit
-
mobilise
une
veine
imaginative
qui
dépasse
la
simple
figure
d’Yvonne
George.
Plus
exactement,
c’est
sur
l'invocation
d’un
flot
d’images
baroques
que
le
sortilège
va
pouvoir
opérer.
Et
qu'
Yvonne
pourra
surgir
dans
l'onde
des
merveilles,
en
héroïne
bouleversante
des
croyances
insolites
et
des
avenirs
floués.
Dans
ces
soutes
du
cœur,
il y
a …
Le
Chiffre
13
Le
trèfle
à 4
feuilles
Le
Vendredi,
jour
de
veine
Toute
la
mythologie
populaire
Vivant
sur
ces
épaves
des
hautes
magies
naufragées
C'est
Le
merveilleux
noyé
par
une
Tempête
née
de
ses
œuvres
Qui
renaît
dans
les
bas-fonds
qui
l’abritent.
/…/
J’admire
en
Yvonne
George
la
faculté
de
donner
la
vie
à ce
qui,
si
facilement,
n’est
que
momie
exhumée
dans
le
sable
du
désert.
Mais
cette
apparition
proche
du
frisson,
du
frémir
va
se
laisser
traverser,
exalter
par
le
toucher
sensuel,
sensible
et
moral
de
la
voix
-
cet
être
sublimé
du
corps.
Aussi
l’érotique
de
l’apparition
se
croise-t-elle
en
ces
hommages
scandés
à
Yvonne
George,
avec
un
érotisme
cérébral
de
la
voix.
Desnos
ne
décrit
pas
la
voix
d’Yvonne
comme
un
musicologue
ou
un
mélomane.
Il
la
suit
des
yeux…cette
voix.
Il
la
saisit
dans
son
théâtre
d’ombre
et
de
lumière.
Il
en
contemple
les
contours,
le
visage,
les
mains,
l’espace,
les
décors.
Mimique
éloquente
de
comédienne
Mimique
poussée
au
plus
haut
du
pathétique
Cette
femme
apparue
nous
parle
Au
nom
de
l’amour
et
du
désir
/…/
Ce
n’est
pas
une
femme
/…/
C’est
une
flamme
/…/ »
La
sensualité
de
la
voix
s’instille
grâce
à
cette
vision
qui
la
livre
au
regard
de
l’auditoire
et
du
lecteur.
Plaintes
des
amoureux
Poésie
éternelle
de
la
révolte
et
de
l’aventure
Yvonne
George
les
exprime
par
tous
ses
gestes,
Son
attitude,
son
existence
même »
/…/
C’est
sous
l’emprise
– le
charme
– de
cette
image
augurale
de
la
voix
que
l’on
entre
dans
le
grand
rêve
crépusculaire
du
chant
et
de
son
émoi
périlleux.
Le
silence
s’impose
à
toute
une
salle
frivole
Quand
cette
chanteuse
étonnante
Prend
la
parole »
/…/
Dans
son
texte
sur
« l’érotique »
fustigeant
« tous
les
vieillards,
les
censeurs
et
les
eunuques »,
Desnos
parle
du
nouvel
art
cinématographique
comme
avènement
de
l’un
des
plus
puissants
stupéfiants
cérébraux
du
plaisir.
Il
semblerait
que
sa
manière
de
mettre
en
scène
la
silhouette,
le
mystère
et
la
voix
d’Yvonne
George…participe
également
de
cette
initiation
récente
à
l’imaginaire
filmique,
à
ses
propres
ressources
et
écritures
érotiques.
Sous
l’égide,
à la
faveur
des
ténèbres
…
Ces
femmes,
ces
hommes
lumineux
Accomplissent
des
actions
émouvantes
A
titre
sensuel.
A
l’imaginer,
la
chair
devient
Plus
concrète
que
celle
des
vivants
/…/leurs
yeux
plus
beaux
/…/
et
c’est
sur
eux
que
se
porte
« l’amour
épars »
dans
les
films.
On
se
perd
dans
la
nuit
et
les
étoiles,
dans
l’éblouissement
naïf
du
héros
lunaire
offert
au
monde
des
regards
passionnés.
Et
c’est
bien
« dans
la
poésie
native
de
ces
faisceaux
lumineux,
prête
à
être
découpée
en
auréoles »,
dans
l’obscurité
de
la
salle
de
spectacle
et
sous
les
feux
de
la
rampe
que
Desnos
dévoile
sa
passion,
un
être
idéal,
une
voix,
des
yeux,
son
amour,
sa
muse « promue
comme
le
personnage,
l’être
si
charnel
de
l’écran,
à la
majesté
inaccessible
des
dieux ».
C’est
bien
ainsi
que
Desnos
nous
fait
découvrir
sa
femme
-
flamme
« plus
surnaturelle
que
les
langues
de
feu
de
la
Pentecôte».
L’écriture,
en
plans
rapprochés,
de
la
voix
aimée
convoque
le
rêve
et
l’artifice
cinématographique
en
œuvre
dans
l’univers
de
Desnos.
Aussi
cette
rencontre
amoureuse
se
trouve-t-elle,
en
son
expression,
animée
par
les
supports,
les
médiations
et
les
effervescences
artistiques
de
son
temps.
Cette
érotique
de
l’apparition
suspendue
à la
confidence
fabuleuse
de
la
voix
se
prolonge
ici
en
une
quasi
mystique
de
la
révélation.
Je
ne
suis
pas
de
ceux
qui
croient
que
l’amour
le
plus
pur
est
un
amour
d’eunuque
pour
un
mannequin
de
glace.
Je
reconnais
que
c’est
une
énigme
Profonde
posée
à
l’inquiétude
humaine
Que
cette
alliance
en
l’amour
du
spirituel
Et
du
matériel.
Mais
cette
union
mystique
Ne
m’a
jamais
paru
basse.
C’est
dans
l’esprit
de
cette
proposition
de
Desnos
dans
l’article
intitulé
Amour
et
cinéma
que
j’emploie
cette
expression
de
« mystique
de
la
révélation ».
Car
le
toucher
de
la
voix
va
de
la
peau
à
l’âme.
Celle
qui
chante
la
douleur
ravive
intimement
la
plaie.
Le
chant
suit
son
cours
profond.
Celle
qui
chante
la
passion
conduit
à
des
troubles
secrets.
Celle
qui
chante
le
caractère
fulgurant
des
rencontres,
la
cruauté
des
départs
; le
peu
d’amour
en
somme
et
la
tragédie
d’aimer,
emporte
chacun
dans
les
orages,
les
vagues
d’une
véritable
maïeutique
du
désir.
Au
fond
de
nous-mêmes,
Un
personnage
méconnu
surgit
/…/
Sommeillant
en
nous
La
passion
s’éveille
Et
vous
rappelle
que
le
temps
est
proche
Où
nous
devrions
nous
soumettre
à la
Loi
des
rencontres
dramatiques.
Elle
nous
enseigne
la
suprématie
« De
l’amour
sur
les
lois
morales
/…/
L’irrémédiable
déchirement
des
vies
sans
folie ».
C’est
rien
moins
que
la
révélation
à
l’homme
des
exigences
de
son
destin
qui
passe
par
la
voix
téméraire
d’Yvonne.
Une
fois
le
souffle
de
cette
grâce
passée,
Yvonne
George,
présence
physique,
peut
d’ailleurs
s’évanouir…
A
quoi
bon
dire
qu’elle
est
belle
Après
l’impérieux
examen
de
conscience
Auquel
elle
nous
a
soumis.
Après
l’apparition,
la
disparition
et
le
fantôme
« sort
au
bras
du
spectateur »
pour
voyager
dans
l’érotique
de
sa
mémoire.
Le
phonographe
après
le
cinéma,
l’un
et
l’autre
chers
à
Desnos,
vient
graver
sa
poétique
consolation,
combler
pour
l’homme
« ce
poétique
besoin
de
miracle »
qui
toujours
le
tourmente.
|
|
Il me suffit à moi
d’entendre un seul mot
prononcé par une femme invisible
pour l’évoquer de pied en cap
et plus réellement, peut-être ;
que sous son apparence terrestre[7] |
De
ma
voix
à
l’autre
voix
Ainsi
décrit,
du
côté
de
la
femme-voix
contemplée,
Eros
semble
ne
s’exprimer
et
ne
s’éprouver
qu’au
masculin.
Et
cela
même
si
l’on
sait
que,
finalement,
tout
abandon
à
l’émoi
vocal
brouille
les
frontières
de
sexe
et
place
la
voix-
en
ce
lieu
instable,
ambigu
-
des
troubles
androgynes[8].
Toutefois
on
ne
peut
se
contenter
de
faire
disparaître
« cette
femme
qui
chante »,
Yvonne
George,
en
fantôme
puissant
de
la
mémoire.
On
ne
peut
se
contenter
de
la
figer
-
point
de
vue
de
Desnos
- en
muse
aux
sens
silencieux
puisque
c’est,
elle,
que
le
chant
d’aimer
traverse,
elle,
qui
provoque
cette
hallucination
de
l’œil
et
de
l’âme,
elle,
qui
propose
le
désir
comme
acte
pathétique,
elle
qui
lance,
aux
sources
natives
de
sa
voix,
l’appel
à
une
érotique
du
déchirement.
Pars
sans
te
retourner
Pars
sans
te
souvenir
Ni
mes
baisers
Ni
mes
étreintes
Dans
ton
cœur
n’ont
laissé
d’empreintes
Je
n’ai
pas
su
t’aimer
Pas
pu
te
retenir
Pars
Sans
un
mot
d’adieu
Pars
Laisse-moi
souffrir
Le
vent
qui
t’apporte,
t’emporte
Et
dussè-je
en
mourir
Qu’importe
Pars
sans
te
retenir
Pars
sans
te
souvenir[9]
C’est
la
chanson
la
plus
caractéristique
du
style
vocal
d’Yvonne
George :
on y
retrouve
et
la
mobilité
du
timbre
et
cette
acuité
de
l’émotion
fortement
théâtralisée.
La
structure
de
la
chanson
est
simple :
deux
couplets,
trois
refrains.
Une
mélodie
lente,
répétitive.
Un
récit
mélodramatique
proche
des
chansons
néoréalistes
des
années
trente
qui,
lorsqu’elles
parlent
d’amour,
parlent
bien
davantage
de
désamour
que
de
bonheur
d’aimer.[10]
Pourtant,
Yvonne
George,
par
tout
un
jeu
d’inflexions
parvient
à
transformer
cet
air
un
peu
monotone,
un
peu
désuet
en
une
plainte
contrastée
qui
vous
retient
suspendu
à la
pointe
de
sa
voix.
Premier
refrain :
voix
forte,
intonation
provocatrice,
lancée
sur
un
ton
ironique,
presque
persifleur.
La
chanson
se
poursuit
sur
un
ton
proche
de
la
colère.
A la
reprise
du
refrain
l’accent
porte
sur
la
vocable
« Pars »
qui
prend
des
allures
de
véritable
coup
de
fouet
sonore.
Au
second
complet
tout
bascule…
C’est
de
notre
amour
l’affreuse
agonie
et
tout
comme
lui,
vois,
le
jour
se
meurt
Rythme,
prononciation,
fluidité
changent
subitement
de
registre
et
de
couleur.
C’est
l’entière
texture
de
la
voix
qui
se
métamorphose.
Alors,
la
vague
des
mots
se
déroule
dans
l’espace
resserré
d’un
véritable
tressaillement
de
la
voix,
parfois
proche
de
l’inaudible.
Ce
qu’elle
vit,
joue
et
livre,
c’est
cet
instant
fragile
d’avant
les
larmes.
Et
soudain
la
chanson
se
transfigure
en
un
moment
de
chant
tragique
dont
la
détresse
dépouillée
vous
surprend,
vous
prend,
vous
enveloppe.
Tu
ne
sauras
pas
toute
ma
détresse
Quand
dans
un
baiser ,
une
ultime
caresse
Tu
t’en
iras
…
avec
mon
pardon
Le
souvenir
est
un
chemin
très
long
Que
l’on
parcourt
à
reculons
Pars
…(à
peine
effleuré)
Bien
des
chansons
populaires
vont
crescendo,
explosent
au
final
en
un
happy
end
sonore,
si
ce
n’est
moral.
Celle-ci
étrangement,
se
clôt
sur
l’expir
d’un
murmure ;
celle-ci
au
bord
des
lèvres,
à
bout
de
souffle,
littéralement,
se
meurt
…
d’amour.
Voix
chuchotée
dans
les
tessitures
aiguës
(ce
qui
est
très
paradoxal
et
techniquement
délicat),
variation
extrême
des
modulations,
étrange
vacillement
du
silence :
il y
a
chez
Yvonne
George
une
audace
interprétative,
une
approche
libre,
inhabituelle
de
la
langue
chantée
qui
met
la
voix
au
centre
du
poème.
D’un
autre
poème
plus
populaire,
d’un
poème
augural
lesté
de
lyrisme,
de
sentiments,
de
chair,
d’un
poème
plus
lourd
d’humanité,
moins
attaché
au
jeu
formel
des
mots
que
le
poème
savant.
Et
c’est
bien
dans
cette
poétique
première
de
la
voix
frôlée,
de
la
voix
affectée
que
se
donne
à
entendre
cette
érotique
indissociable
de
son
esthétique
et
de
son
langage.
Yvonne
George
met
en
présence
réelle
et
évanescente
de
l’énigme
d’aimer
en
offrant
l’œuvre
de
sa
voix,
traversée
d’exigence
d’être
et
de
dire.
Le
poème
de
sa
voix
incarne
alors
ce
moment
rare
de
transfiguration
et
d’inquiétude
où
le
trouble
érotique
rejoint
le
trouble
de
l’art.
Desnos
sera
d’autant
plus
stupéfait
devant
la
chanteuse
que
le
poème
de
sa
voix,
c’est
aussi
cet
autre
langage,
ce
sens
que
précède
celui
de
la
chaîne
parlée,
cette
musique
qui
sous-tend,
préforme
toute
signifiance,
cette
résonance
attachée
au
verbe.
Autrement
dit,
tout
ce
que
cherche
également
l’inventeur
d’acte
poétique,
surtout
lorsque
ce
dernier
s’inscrit
dans
le
mouvement
surréaliste
des
années
20
et
que,
partant
en
guerre
contre
la
vaine
littérature,
il
veut
rendre
aux
mots
leur
force
subversive,
leur
incandescente
liberté.
En
découvrant
Yvonne
Georg
et
le
chant
de
sa
voix ,
Desnos
contemple
également
son
utopie
poétique.
Il
la
contemple,
mais,
en
un
miroir
radicalement
autre.
Car,
il y
a
bien
de
la
distance
entre
la
chanson
du
music
hall
et
l’idéal
lettré
de
l’esthétique
surréaliste.
Pourtant,
c’est
bientôt
sa
propre
poésie
qui
lui
deviendra
étrangère.
« Une
seule
chanson
de
cette
femme
vaut
mieux
que
tous
mes
poèmes »
dira-t-il.
L’énigme
d’aimer
se
rejoue
ici
dans
l’énigme
d’écrire.
Ecrire
pour
se
faire
aimer de
qui
l’on
aime ;
écrire,
chanter
pour
adresser
un
amour.
La
crise
amoureuse
épouse
la
crise
poétique.
Il a
suffi
qu’elle
chante
pour
que
nous
prenions
conscience
de
notre
lâcheté
amoureuse
de
l’absence
intolérable
du
pathétique
dans
notre
vie
S’abandonnant
à
l’amour
douloureux
d’Yvonne
George,
Desnos
abandonne
ses
jeux
d’écritures
formels
du
Recueil
de
Rrose
Sélavy
faisant
réponse
à
Marcel
Duchamp,
pour
des
textes
dédiés
« A
la
Mystérieuse »
dans
lesquels
il
retrouve,
à sa
façon,
la
voix
de
la
tragédie
et
des
larmes.
Peut-être
découvre-t-il
ainsi
l’autre
voix
refoulée
du
poème.
J’ai
rêvé
cette
nuit
de
paysages
insensés
et
d’aventures
dangereuses,
aussi
bien
du
point
de
vue
de
la
mort
que
du
point
de
vue
de
la
vie
que
sont
aussi
le
point
de
vue
de
l’Amour.
Toi,
quand
tu
seras
morte
Tu
seras
belle
et
toujours
désirable
Si
je
vis
Ta
voix,
ton
accent,
ton
regard
et
ses
rayons
L’odeur
de
toi
et
celle
de
tes
cheveux
et
beaucoup
D’autres
choses
encore
vivant
en
moi.
En
moi
qui
ne
suis
ni
Ronsard
ni
Baudelaire
Moi
qui
suis
Robert
Desnos
et
qui
pour
t’avoir
connue,
Aimée
les
vaut
bien ;
Moi
qui
suis
Robert
Desnos,
pour
t’aimer
Et
qui
ne
veux
pas
attacher
d’autre
réputation
A sa
mémoire
sur
la
terre
méprisable[11]
Dans
l’air
du
temps,
sur
les
scènes
repensées
du
music-hall
–
toutes
les
chanteuses
néoréalistes
de
l’époque
en
témoignent
– ce
sont
surtout
des
femmes,
des
femmes
venues
de
l’expérience
cruciale
du
chant
de
rues,
qui
vont,
par
leur
énergie,
leur
flamme
vocales
définir
un
nouvel
espace
sensitif,
un
nouveau
sensorium
esthétique
d’interprétation
de
la
chanson
populaire.
Cette
dernière,
désormais
plus
proche
des
larmes,
de
la
plainte
que
du
rire
ou
de
la
révolte
délimite
une
nouvelle
configuration
cathartique
de
réception,
entre
l’artiste
héroïsé
et
son
auditoire
captif.
Yvonne
George,
de
ce
point
de
vue,
participe
au
mouvement
d’ensemble
de
cette
mise
en
lumière
d’un
sujet
plébéien,
tragique
par
le
théâtre
féminin
de
la
voix.
Les
paroliers
dorénavant
écrivent
pour
des
voix
qui
leur
assureront
peut-être,
la
popularité
attendue.
Dans
ce
paysage
du
divertissement
et
de
l'émotion
représentée,
Robert
Desnos,
pareillement
à
d’autres
artiste
marginaux
du
moment
(
Francis
Carco,
Kees
Van
Dongen,
Henri
Jeanson,
Léonard
Foujita,
Jean
Cocteau,
Colette
),
s’engage
dans
la
célébration
de
ces
interprètes
populaires
et
salue
la
valeur
iconique
de
leurs
chants
touchés
à
l'âme,
aux
gestes
par
ce
dialogue
funeste
et
sensuel,
de
l'amour
et
de
la
mort.
Dans
cette
période
de
crise
économique
sombre,
de
clivages
sociaux
exacerbés,
des
intellectuels
côtoient
réellement
et
idéalement
les
figures
peu
convenues
de
cette
errance
plébéienne.
Ils
voient
dans
le
peuple,
la
peupleraie[12]
: la
sève
des
souffrances,
des
corps
et
des
forces.
Dans
ces
rapprochements
datés
avec
l’autre
parole,
celle
de
la
chanson,
l’autre
art,
celui
des
saltimbanques,
avec
l’autre
monde
ou
plutôt
avec
l’autre
côté
féminin
du
monde,
naissent
des
mystiques
du
ressourcement,
de
l’inspiration
que
partagent
plusieurs
artistes
de
ce
temps
de
l’entre-deux-guerres.
Desnos
est
l’un
d’eux.
Et
sa
rencontre
avec
Yvonne
George
porte
l’écho
de
cette
histoire.
Mais
rien
ne
sert
de
vouloir
expliquer
le
destin
amoureux,
on
peut
seulement
tenter
de
l’explorer,
quand
celui-là
même
vous
attire
en
son
sillage
…
Constatons,
imaginons
seulement
que
nous
étions
là
devant
la
figure
paradoxale,
presque
irréelle
d’un
« désir
demeuré
désir »,
d’un
amour-poème ;
autrement
dit
d’un
amour
sitôt
né
que
sublimé
dans
le
langage
du
manque
et
de
la
perte.
Eros
se
parlait,
s’évoquait
s’invoquait
alors,
dans
une
métaphysique
de
l’absence
qui
faisait
d’Elle,
ombre
et
voix
tout
à la
fois,
la
figure
même
de
l’altérité,
la
figure
du
péril
extrême
… Il
la
rejoignait
dans
ses
dérives
noctambules,
ses
voyages
d’héroïnomane,
aussi.
|
|
Il n’y eut que les mots pour toute étreinte
que les mots pour calligraphier
des attentes, des baisers, des caresses…
pour travailler - petit rêve d’éternité - la statue du visage et de la voix
de
la Muse
silencieuse …
|
Car
aussi
il
subsiste
dans
la
chanson
une
manière,
un
rêve
de
nommer
l’amour
autrement…
Mais
quand
je
me
voudrais
passion
Les
mots
s’échappent
et
me
laissent
Ligotée
dans
ma
déception
Je
peux
chanter
tout
ce
qu’on
veut
Laissez-moi
juste
y
croire
un
peu
Mais
comme
Higelin
Comme
les
copains
Je
me
demanderai
toujours
Comment
faire
des
chansons
d’amour
Y’a
un
langage
à
inventer…
Anne
Sylvestre
Comme
Higelin
in
CD
2003
|
Joëlle
DENIOT
Professeur
de
Sociologie à
l'Université
de Nantes,
membre
nommée du
CNU.
Droits de
reproduction
et de
diffusion
réservés ©
à l 'occasion du prelude au cinquantenaire de la mort d edith piaf (2013) que constitue la sortie du livre de J-A Deniot, Edith Piaf, La voix le geste l icone, Esquisse anthropologique. Editions Lelivredart PAris
Cliquez sur l'image pour accéder au film sur Youtube Joëlle Deniot. Edith PIAF. La voix, le geste, l'icône. de ambrosiette (Jean Luc Giraud sur une prise de vue de Léonard Delmaire
Vous pouvez consulter les thèmes et les programmes de nos
manifestations qui vont se dérouler à Nantes dans le cadre du lestamp.,
merci de renseigner
tous les champs de
formulaire
ci-dessous, puis
adresser à
joelle.deniot@wanadoo.fr
|
|
|
|