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La mondialisation : quels enjeux identitaires en Mongolie ?


 

Amarsanaa ALTANSAN
Open Society Institut - HESP, Academic Fellowship Program
Département de l’Anthropologie-Archeologie de l’Université Nationale de Mongolie
Returning Fellowship
Droits de reproduction et de diffusion réservés © LESTAMP - 2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France N°20050127-4889



Comment définir la mondialisation en Mongolie ? S’agit-il d’un processus «d’ouverture au monde» du pays qui fait suite à la fin du communisme ? Et donc de quelle ouverture et pour quel monde ? Le monde dans sa totalité ou bien le monde à travers le prisme des modèles asiatiques, modèles américains ou européens ?

La mondialisation ne concerne pas seulement la sphère de l’économie, mais s’étend plus largement à l’éducation et à la culture. Comment alors observer la mondialisation en Mongolie ? Quels sont les critères pertinents qui vont fonder l’observation? Les développements contemporains de l’architecture urbaine ? L’apparition de campagnes publicitaires ? Les pratiques alimentaires? Les tenues vestimentaires ? L’importation de technologies nouvelles ? Les récentes transformations linguistiques ? Les pratiques du tourisme?

L’idée principale que nous avançons ici peut se résumer à partir du constat suivant : plus se développe le phénomène de la mondialisation, plus on assiste à une crise identitaire et à une multiplication de rites identitaires. L’étude portera sur quelques-uns des aspects de cette crise identitaire.

Deuxième pays communiste après la Russie, la Mongolie règne entre deux puissants pays, la Russie et la Chine, et se situe aussi à la frontière extrême orientale de l’Asie Centrale. Ce pays est particulièrement intéressant, à la fois du point de vue historique et culturel que de sa position géostratégique et politique. La route dite « de la soie », traversait la Mongolie et offrait la possibilité d’échanges commerciaux et culturels avec le monde turcopersan. On peut ajouter aussi que grâce à l’empire mongol du 13-ème siècle qui a imposé la « pax mongolica » les steppes mongoles ont bénéficié d’un développement artistique et politique important chez les éleveurs nomades. A la fin de l’empire et après deux cents ans de la domination mandchoue, la Mongolie devient indépendante en 1924 grâce à l’aide militaire russe. Depuis cette période, ce pays avait opté pour le communisme. Ainsi, après soixante dix ans de bons et loyaux services à la cause communiste, comme un revers de l’histoire à la suite de la chute du mur de Berlin, le pays et ses politiciens rejettent le système antérieur pour s’engouffrer dans le « tout capitaliste ».

Au plus haut de la ferveur de cette révolution tranquille, il était d’ailleurs sur toutes les bouches cette phrase : « Avant on était tous communistes, maintenant on est tous capitalistes ». Ainsi, l’un des pays les plus hostiles au monde capitaliste, s’agenouille-t-il maintenant devant le son ennemi d’autrefois. A partir de ce moment, on peut parler l’ouverture vers le monde. Après la chute du communisme la diffusion des valeurs américaines remplace l’idéologie des pays communistes. A la propagande marxiste sur l’égalité s’est substitué le rêve de l’argent et des richesses, l’idée que tout le monde peut devenir riche, faire de l’argent facilement, la liberté de pensée et liberté sexuelle. Il semble bien que la mondialisation ait changé une idéologie par une autre utopie.

Depuis 90 la Mongolie tente de multiplier et diversifier ses relations commerciales jusque là dirigées uniquement vers le COMECOM. Mais, depuis ces dernières années la Mongolie établit ou renforce les coopérations avec la Chine, le Japon, la Corée du sud, les Etats-Unis, l’Europe, l’Australie etc. Par exemple la relation avec la Chine est renforcée notamment en importation de main d’œuvre chinoise pour la construction des bâtiments et des routes en Mongolie. Les statistiques de l’an 2000 montre que les ouvriers chinois atteignent le chiffre de 20 000 officiellement. A cela s’ajoute, l’immigration clandestine en Mongolie par le biais de l’achat illégal de passeports mongols. Egalement des petites et moyennes entreprises chinoises s’installent. Ce sont souvent des commerces, des restaurants, des artisans bijoutiers ou cordonniers. La Chine est le premier pays sur la liste des investisseurs en Mongolie. Plus de 80% des produits d’importation viennent de la Chine. A partir 95, suite à des accords bilatéraux, les demandes de visas sont supprimées : Mongols et Chinois peuvent librement se rendre dans l’un ou l’autre pays sans formalité administrative, autre que la possession d’un passeport en cours de validité. Cette mesure favorise la libre circulation de produits commerciaux et culturels. La Chine a supplanté la Russie dans ses échanges avec la Mongolie.

L’importance des échanges avec la Chine est relayée au niveau des médias.
Pas moins de six chaînes chinoises sont diffusées par le câble. Ces derniers temps, on voit apparaître sur les écrans des annonces en langue chinoise destinées au public de plus en plus important de chinois vivant en Mongolie. Dans la capitale, un nouveau quartier chinois existe maintenant comme celui des russes d’autrefois.En ce qui concerne le Japon et la Corée du sud, le cas est différent. Pour le Japon, l’aide financière est très importante. Les investissements se portent davantage sous forme aide dirigée principalement vers l’éducation et la santé. La présence de l’aide et de la coopération du Japon est surtout symbolisée par un centre culturel construit récemment, qui organise toutes les activités culturelles. Egalement quelques grandes sociétés s’y sont installées, dont Toyota qui se réserve une belle part du marché de l’automobile en Mongolie.

Depuis quelques années un lutteur mongol, Davagdorj, devenu champion du monde de sumo est devenu le représentant de la culture japonaise chez les Mongols. Pratiquement tous les tournois de sumos sont diffusés à la télévision, et chacun peut facilement avoir une connaissance de ce sport, des grades du sumo, en passant par le nom des différentes attaques, jusqu’au nom des grands lutteurs sumo. La culture coréenne en Mongolie est principalement présentée par les produits de l’habillement, par une importation croissante d’automobiles. Le secteur alimentaire voit aussi de plus en plus de produits coréens. Ces derniers temps, les nouveaux hommes d’affaires mongols fréquentent les restaurants coréens, réputés meilleurs. S’inviter mutuellement dans un des grands restaurants coréens est une marque de respect. Avec la Corée du sud, les échanges se sont multipliés. Beaucoup de Mongols y vivent et les hommes d’affaires concernés y font fréquemment le voyage, au moins deux fois par mois.

En fait, Les classes moyennes de la Mongolie qui sont en train de se former, trouvent leur essor grâce à ceux qui sont en relation économique avec la Corée notamment les immigrants qui envoient une partie de leurs revenus à leur famille restée en Mongolie. La Corée représente l’un des pays où les Mongols vivent en nombre. Ainsi, aujourd’hui, la capitale mongole représente un vaste marché pour les produits coréens, notamment dans le secteur des produits de beauté et soins corporels, de l’habillement, de la restauration, mais aussi dans le secteur religieux où des sectes, non des moindres, qui tentent de recruter de nouveaux adeptes locaux. Cette diffusion de la culture coréenne peut être symbolisée par la consommation du kimtchi, sorte de condiment composé de feuilles de chou pimentées et macérées, présent maintenant sur tous les marchés et sur la plupart des tables festives familiales de la capitale.

La télévision, avec ses nombreuses chaînes câblées, est révélatrice du choix mongol concernant la mondialisation : pas moins de 6 chaînes chinoises nous l’avons dit, trois chaînes russes, une chaîne du Kazakhstan, une chaîne américaine, une japonaise, une coréenne, une chaîne anglaise, une allemande, une française, une espagnole, une italienne, une australienne…. Les nombreux programmes musicaux de la chaîne coréenne destinés aux jeunes adolescents trouvent particulièrement un écho parmi la jeunesse mongole urbaine qui s’identifie, par le choix de leurs vêtements, aux musiciens et chanteurs de groupes rocks coréens. Il y a bien d’autres pays asiatiques présents d’une manière ou d’une autre en Mongolie, mais leurs influences sont moins importantes. Les quelques exemples ci-dessus illustrent simplement l’idée que la mondialisation ne concerne pas seulement la sphère de l’économie, mais s’étend plus largement à la culture, mais toujours dans des secteurs ciblés.

Puisqu’en Mongolie de l’après 90, l’ouverture vers le monde entraîne l’arrivée d’étrangers soit d’Asie soit d’Europe et des Etats Unis, il n’est pas étonnant qu’à la capitale, là où se concentrent en fait les relations avec les nouveaux arrivants et nouveaux partenaires, une partie de la population ait adopté un mode de vie dérivé de celui européen et américain. Il est intéressant de s’attarder un instant sur cette présence de la culture américaine qui contribue à diffuser les modèles de comportement culturel américain en Mongolie. Les Etats Unis, comme première puissance mondiale, son poids politique dans les affaires internationales, sont fortement connus en Mongolie. Les rêves américains de la fortune facile, de la société de consommation sont très présents dans la vie quotidienne, relayés principalement par les médias sur différents supports.

La Mongolie n’échappe pas à l’engouement pour la consommation du coca-cola. Si, depuis 2000, une entreprise mongole produit sous  licence « Coca-Cola » cette boisson, il n’est pas rare de trouver sur les étales des magasins toutes sortes de fabrications plus ou moins légales, plus ou moins contrôlées de ce produit, provenant de Chine, de Corée, de Russie….
Les genres de restauration rapide à l’Américaine, des « Fast Food » se développent dans lesquels sont proposés des hamburgers, des frites ; des pizzas, des cuisses de poulet frit directement importées, en fait tout autant de nouveaux produits jusque-là inconnus des Mongols, mais complètement intégrés dans les nouvelles pratiques alimentaires de la nouvelle génération d’adolescents. Récemment un « Fast Food » qui s’était octroyé le nom de « Mac Donald » a dû renoncer à le porter, suite à une plainte de l’ambassade des Etats-Unis qui jugeait illégal l’emprunt du nom de la grande société américaine sans son autorisation. Ce restaurant a pris alors le nom de « Monburger » pour « burger mongol ».

Les adolescents et jeunes adultes sont probablement les premiers consommateurs de la culture américaine, en termes de nombre de produits et de références culturelles. Ils suivent souvent la mode : des magasins d’habillement se sont spécialisés dans la vente des vêtements de style ample, t-shirts larges, baskets, jeans larges, polos et maillots de sport, casquettes à longue visière, etc. Des groupes de musique rock portent sur scène des chapeaux de cow-boys, des chemises ou des foulards en drapeau américain. Fumer des cigarettes « Marlboro » le plus souvent importées de la Chine ; porter des chapeaux de cow-boys et adopter le plus de manière de vivre à l’américaine, du moins ce qu’ils en perçoivent, représentent un idéal accessible immédiatement, sur place, à défaut de vivre aux States.

La mondialisation a aussi beaucoup influencé le secteur des loisirs et de détente. Un nouveau tourisme s’est développé où les Mongols aisés partent à la découverte de leur pays, le temps d’un été, en utilisant tout le matériel de camping jusque là inexistant et pratiquant la pêche avec ses accessoires, inconnue jusqu’alors. En ville, les nouveaux appartements n’offrent plus de cuisine séparée, mais des petites kitchenettes exiguës donnant sur la salle de séjour. Les constructions chinoises et russes de la période communiste avaient pourtant pris soin de faire de la cuisine une pièce souvent large car dans la tradition mongole, c’est un lieu de féminin où les femmes se rencontrent où l’on fait ensemble la cuisine comme sur le foyer central de la yourte.

On dit que « la langue exprime l’identité d’un peuple » : précepte aux allures de dicton qui a la vie dure. Aujourd’hui l’influence de la langue anglaise est bien forte en Mongolie. L’anglais est obligatoire dans le programme de l’école, il est considéré comme la seconde langue étrangère et a très vite remplacé le russe dans cette fonction. A la demande de parents d’élève l’anglais est enseigné dans plusieurs écoles maternelles. Ces parents font en fait partie de la nouvelle classe aisée de Mongols, évoluant dans les affaires. La connaissance de cette langue est aussi rendue nécessaire pour obtenir des aides financières afin d’étudier à l’étranger, et elle devient aussi l’un des critères pour trouver un travail. Par conséquent, la diffusion de l’anglais en Mongolie, n’est pas seulement un effet de la mondialisation mais un facteur qui concourt à renforcer ou à diviser davantage les différentes strates sociales entre elles dans notre société.

Après cette récente période communiste qui a vu la transcription de la langue mongole en cyrillique, apparaît maintenant un nouveau système d’écriture, pas encore stabilisé, qui utilise l’alphabet latin, sans doute lié non seulement à la présence de l’anglais mais aussi à la large diffusion des ordinateurs à clavier Qwerty sans accent. Les personnalités du monde du spectacle, ayant une carrière « internationale », ont sans doute contribué à la diffusion de cette pratique signant leur nom en anglais. Tous les noms des groupes de musique rock inscrivent leur nom sur les disques compacts en anglais : haranga, hurd… La multiplication de l’usage de l’alphabet latin entraîne même au sein des parlementaires des groupes de discussion sur le changement radical de l’alphabet. Dans la langue orale l’utilisation des mots anglais comme ok, bye, hi etc devient un phénomène normal. Egalement, on peut facilement voir dans la rue le nom de boutique en anglais « hair salon, new face, new style, restaurant, souvenir shop » ou « UB palace » le nom d’une discothèque, etc., et les exemples ne manquent pas. Les menus des restaurants s’affichent maintenant en deux langues, anglais et mongol.



Nouveaux comportements culturels

L’hospitalité des Mongols est largement connue et décrite dans tous les guides touristiques, qui la réduisent souvent à l’offre de thé au lait salé sous la yourte des nomades. Cette image traditionnelle de l’hospitalité des mongols, symbolisée par cette offrande dès qu’un visiteur se présente, ne correspond pas tout à fait aux pratiques actuelles. En fait, cette coutume n’est plus systématique parce qu’il semble que les buts et les contenus informationnels liés à ces rencontres courtoises ont changé. Ceci est particulièrement observable chez les Mongols des nouvelles classes émergeantes de la capitale où la boisson privilégiée devient le café en poudre. La consommation de cette boisson dépasse d’ailleurs le cadre urbain en se répandant dans les campagnes par le flux considérable de touristes étrangers qui modifient également les comportements chez les pasteurs nomades dans la steppe. Dans les petits échanges de bienvenue, ces derniers demandent parfois des sachets de café aux touristes étrangers.

Mais l’un des principaux changements culturels est sans doute représenté par la pratique du tourisme tant dans le pays même qu’à l’extérieur des frontières. Parallèlement à ce nouvel essor, se développe l’apparition de magasins spécialisés dans les accessoires de camping et de pêche notamment. Jusqu’à une époque toute récente, les Mongols ne pratiquaient pas la pêche. C’était une pratique de touristes étrangers qui venaient en Mongolie essentiellement dans ce but. Maintenant, pour cette catégorie de Mongols, pêcher et manger des poissons, faire des grillades au barbecue, prendre des photos souvenir sont de nouveaux comportements. Mais ils ne maîtrisent pas toujours les nouveaux outils de la pratique touristique : ils ont de la difficulté à monter la tente, les gestes sont gauches, ils sont « empruntés », ils s’équipent d’une « panoplie complète du touriste »…Dans les magasins, ils ne connaissent pas bien les produits, ils hésitent, ils ne savent pas quoi acheter, ils demandent l’avis aux vendeurs…

Apparaissent aussi un nombre croissant d’annonces touristiques de tours opérateurs mongols qui vantent des séjours à l’étranger sur fond d’opposition climatique : vacances en pays chaud à l’étranger pendant la saison hivernale en Mongolie. A ce sujet, voici un extrait d’une conversation téléphonique d’une femme, âgée de la quarantaine, à son amie: « Qu’est-ce que tu dirais de passer les vacances de nouvel an entre amis à Hawaï ? Je ne suis pas encore partie en vacances ». En réalité, pour ces Mongols ne maîtrisant encore peu ces nouvelles pratiques culturelles, il s’agit moins d’échapper à la rigueur hivernale proprement dite, à laquelle chacun est habitué, que d’ostenter une réussite sociale et surtout économique. Cette référence à Hawaï se retrouve ailleurs dans la ville. La mairie de la capitale a en effet récemment installé des palmiers en plastique de différentes couleurs, grandeur nature: des verts, des jaunes, des rouges aux grands carrefours. Ils s’allument pendant la nuit. Ce décor qui peut paraître surréaliste pour un visiteur de passage dans ce pays de steppes au climat typiquement continental, trouve cependant un écho favorable chez le citadin mongol. Ces nouveaux décors urbains agissent comme des symboles de liberté, car ce sont les palmiers de l’Amérique au fond, et de réussite économique, ce qui n’est qu’utopie.

Un autre extrait de conversation est tiré de l’une de mes enquêtes de terrain l’été dernier près du lac Huvsgul dans le Nord de la Mongolie. La scène se déroule chez un groupe de Tsaatan, éleveurs de rennes vivant dans des conditions climatiques très rigoureuses. Des touristes mongols voyageant en famille rencontrent ces Tsaatans. Un garçon demande à son père de l’argent pour acheter un souvenir. Son père n’en avait pas et demande à son ami : « Si tu as l’argent sur toi, passe cinq mille [tougriks] à mon fils ». L’autre répond : « Tu veux vingt mille ? » Et il a donné 10 mille au garçon. Ce comportement face à l’argent est pourrait sembler désinvolte. En fait il s’agit de montrer qu’on accorde peu de valeur à l’argent. Et ce type de comportement est une sorte de dénégation pour montrer sa richesse. Pourtant cinq mille tougriks correspondent à un jour de salaire pour les professeurs de l’enseignement supérieur. Dans le cas cité, montrer que l’on calcule les dépenses d’argent ce serait le signe qu’on en est démuni. Ce sont seulement quelques exemples sur de nouveaux comportements apparus ces dernières années, liés à l’apparition de cette catégorie de « nouveaux riches » qui a su tirer profit du changement radical de régime politique et économique.



Crise identitaire et réticence à la Mondialisation


Il est difficilement imaginable de penser qu’une société qui change ses choix politiques fondamentaux, ses valeurs, ses repères identitaires, quasiment du jour au lendemain, n’entraîne pas une crise identitaire profonde. C’est ce genre de traumatisme qu’a vécu la population mongole en général, après la chute du communisme. Ceci est particulièrement vrai pour la génération de l’entre-deux, c'est-à-dire celle qui a grandi avec les valeurs du communisme et qui maintenant se demandent bien comment éduquer leurs enfants ou leurs petits enfants, quelles sont les valeurs les plus importantes à leur inculquer. La rupture avec le régime communiste a donné naissance à un nouveau système de valeurs en rupture avec celui des générations précédentes. Au centre de ce nouveau système de valeurs : l’argent, faire de l’argent, l’argent comme levier de la liberté. La principale idée véhiculée par le discours politique, relayé par les médias est que « l’argent ouvre toutes les portes ».

Et comme l’argent ne se trouve pas en Mongolie, ou que très peu, et pour certains seulement, il faut aller le chercher à l’étranger, là où le travail est bien rémunéré, là aussi où les conditions de l’émigration sont souples ou peu regardantes. On assiste à un phénomène de départ massif vers certains pays étrangers les Etats-Unis, la Corée, le Japon, la Suisse et beaucoup d'entre eux vendent tous leurs biens pour se payer le voyage et l’installation vers ces nouvelles destinations. Une fois sur place, il s’agit de chercher les moyens de gagner de l’argent, d’en mettre de côté dans l’optique d’un retour ou pour en envoyer à la famille restée au pays, de se créer un système de valeurs en s’identifiant aux modèles autochtones. Sans doute ce phénomène d’émigration permet de revenir nantis ou de gagner suffisamment d’argent pour s’acheter un appartement ou un nouveau bien de consommation, comme une voiture par exemple ?…

Dans la société contemporaine mongole, l’idéologie de « la culture traditionnelle » est devenue un argument des agences touristiques qui vantent les manières de vivre et la culture artistique pour attirer les touristes étrangers. C’est dire qu’elles jouent un rôle économique. En particulier, l’inévitable concert de musique traditionnelle est sur tous les dépliants des agences. De là l’intérêt de ressources économiques qu’il suscite surtout chez les jeunes.

Mais c’est surtout autour de l’instrument « vièle cheval » ou « morin-khour » en mongol que se construit un nouveau trait culturel. Cet instrument cordophone est devenu de fait l’un des symboles identitaires forts du peuple mongol. Le président en personne, qui apparaît souvent à l’écran, en portant la tunique traditionnelle, appelée « deel », insiste dans ses discours sur la nécessité de préserver la culture nationale. C’est dans ce sens qu’il a rédigé un décret destiner à promouvoir l’instrument « morin-khour » au statut de monument national. Le ministre de l’éducation et de la culture fut même chargé de faire promouvoir l’instrument en question au statut de patrimoine de l’humanité à l’UNESCO.Ce qui fut réalisé en 2003. Un orchestre de plus de trente « morin khuur » a été créé sur volonté présidentielle. La fabrication de l’instrument s’en est d’ailleurs trouvé modifier selon l’usage qu’on lui attribue. Tantôt objet de prestige avec incrustation de pierres précieuses et semi-précieuses pour musiciens vedettes et hôtes de prestige, tantôt objet de souvenir à l’état de miniature de différentes grandeurs pour les touristes ou encore objet de don et contre don dans des cérémonies officielles ou dans des réunions amicales et familiales. Un auteur mongol, Mend-Oeo, qui a récemment écrit un livre sur les usages de la morin khuur, note que l’instrument incarne tant et si bien l’identité mongole qu’on le retrouve à la meilleure tribune dans le palais de lutteur et dans la cour suprême de l’état.

La « morin-khour » n’est pas bien sûr le seul objet culturel qui cristalise la crise identitaire. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la figure de Genghis Khan, l’empereur mongol du XIIIe siècle, qui a conquis le monde à cette époque. L’utilisation de son nom et de son portrait prend des allures impressionnantes : ils se retrouvent sur un nombre considérable d’objets : des souvenirs en tous genres et objets artisanaux en passant par des marques de sachets de café en poudre et de bouteilles de vodka. Ils symbolisent la puissance, mais constitue aussi un modèle d’identification au héros de cette nation. La religion aussi, qui était considérée longtemps comme « ennemie du communisme » prend une ampleur considérable avec l’ouverture. Ces dernières années le nombre de temples, d’églises et de mosquées se multiplient. La religion bouddhique en particulier, a retrouvé sa vigueur d’avant la période communiste et les politiques le savent bien. Lors de grands rituels d’extérieur médiatisés, il n’est pas rare de voir des politiques et des ministres se mélanger aux chefs religieux. Cela constitue même un enjeu électoral. Par exemple, pendant la dernière campagne électorale le Premier ministre en personne participait activement à une cérémonie religieuse.

La « morin khour », figures de Genghis Khan, pratiques ostentatoires religieuses, « les traditions »… constituent tout autant d’actes politiques destinés à donner sens et à renforcer l’identité mongole. C’est la prise de conscience d’une crise d’identité qui semble à l’origine de ces nouvelles pratiques.

En Mongolie, il semble bien que le phénomène de la mondialisation est compris comme une idéologie égalitaire qui tente de réunir tous les pays sur les mêmes choix économiques et politiques… à laquelle souscrivent les classes économiquement et politiquement dominantes. Dans un article publié en octobre dernier dans un journal mongol à grand tirage, on pouvait lire que « dans le monde un modèle de vie se développe fortement. Mais la Corée du Nord le refuse, donc sa politique têtue entraîne la pauvreté économique. Si la Mongolie souhaite se développer économiquement, il faut bien suivre le modèle donné… ». Cet exemple illustre bien que la mondialisation agit comme une sorte d’idéologie contre la pauvreté économique.

Pour conclure, provisoirement, nous savons que la mondialisation entraîne des difficultés à être, à être soi, à être unique. C’est dans ce contexte qu’on n’a jamais autant parlé de diversité culturelle. Si la diversité culturelle doit être favorisée, comment se soustraire à la tentation du tout, non pas informel, mais « enformel », formaté par l’hégémonie idéologique planétaire ? Comment en effet penser la diversité culturelle dans un contexte de culture mondialisée ? Force est pourtant de constater que si la classe dominante tente de s’y fondre, les classes dominées (classes moyennes et populaires) n’en comprennent pas le sens bien souvent, en sont écartées : la mondialisation ne les concerne pas. En fait sous prétexte d’uniformiser, de modeler le monde aux normes soi disantes « démocratiques », de promettre l’accès de la richesse au plus grand nombre, la mondialisation ne fait qu’augmenter le fossé de plus en plus large entre les nantis et les autres, entre une minorité de possédants et le nombre croissant de dépossédés.


Amarsanaa ALTANSAN
Open Society Institut - HESP, Academic Fellowship Program
Département de l’Anthropologie-Archeologie de l’Université Nationale de Mongolie
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